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donné de l’Apocalypse une interprétation qui semble péremptoire Toute réserve faite cependant sur des questions trop hautes et trop compliquées pour qu’on s’aventure à les déclarer résolues, l’Histoire de la Théologie chrétienne est un ouvrage remarquable, nouveau dans notre langue, et qui doit exciter l’émulation chez les doctes et la curiosité chez ceux qui. ont à le devenir.

M. Reuss, en s’attachant uniquement à la science, professe sur la foi les mêmes idées que les autres théologiens qu’on vient dénommer. Pour lui, le christianisme a été une nouvelle vie avant d’être une nouvelle doctrine. Ce n’est point à l’intelligence seule, c’est à toute l’âme que le Christ a parlé. Ce n’est pas une pensée abstraite semée dans le champ de la spéculation, c’est sa personne qui est venue changer l’humanité ; c’est en contemplant ce qu’il a été et ce qu’il a fait que l’on devient chrétien. La foi en Jésus-Christ n’est pas l’acquiescement à une idée ; la foi, c’est la confiance en Jésus-Christ. C’est là ce qui régénère et ce qui sauve, et l’on voit que, comme la science, la foi aussi prend un caractère et une base historique. Aussi est-il impossible ou plutôt fort rare que le raisonnement fasse un chrétien : ce n’est que la contemplation de l’idéal chrétien réalisé, vivant, mourant, qui peut inspirer ce sentiment profond d’admiration, de sympathie et d’amour qui nous élève jusqu’à l’effrayant précepte : « soyez parfaits comme mon père est parfait. » La ressemblance à Dieu que prêchait Platon, et qui est au fond la même idée, n’est devenue intelligible, praticable, effective, que depuis que Dieu, se montrant dans son image, a incarné la perfection divine. Cette doctrine de la foi a tout au moins l’avantage de lui rendre son vrai caractère, celui d’une régénération morale. Avec elle, la piété du cœur peut rentrer dans la religion, d’où l’on dirait, de nos jours qu’elle tend à disparaître. La piété, et non la science, est pourtant l’âme de la prédication, mais la chaire semble trop souvent l’oublier. M. Colani s’en est souvenu, et, après avoir montré ailleurs une grande aptitude à parler le langage de la science et à débattre les questions philosophiques, il a voulu prouver que les habitudes d’une libre exégèse pourraient se concilier avec les devoirs du sermonnaire chrétien. Il a réussi, et dans ces dernières années ses sermons ont produit à Strasbourg une grande sensation même parmi ceux qui se défient de ses tendances dogmatiques. On en a publié trois volumes, et toutes les communions chrétiennes y trouveraient, je crois, à profiter. Quoique l’orateur ne soit dénué ni de mouvement ni de chaleur, il ne faut point attendre de lui ce fracas d’éloquence qui terrasse ou emporte l’imagination ; mais on y reconnaîtra le premier don, selon moi, du prédicateur, celui de nous forcer à rentrer en nous-mêmes. Le cœur humain a