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du moins de la hiérarchie établie et de son chef, l’inspiration de l’Écriture n’avait plus, pour ainsi dire, qu’à faire son chemin elle-même. C’était à elle en effet de se communiquer au fidèle, défaire pénétrer un de ses rayons dans l’âme, et de l’éclairer comme étant la parole de celui qui est venu redoubler la lumière dont il avait éclairé le monde dès le commencement. En effet, il n’est point de protestant qui n’admette que la vérité sous la forme de la foi dans le Christ se révèle à l’homme qui lit l’Écriture dans une bonne intention ; mais, ce point mis à part, la question de l’interprétation demeure tout entière. Les auteurs de la réformation étaient par le fait même de nouveaux interprètes de l’Écriture ; la réformation n’était elle-même qu’une interprétation nouvelle, et par là elle supposait et constatait en principe la liberté d’interpréter. Qu’elle ait posé des limites à cette liberté, c’était chose fort naturelle ; il est rare que des hommes sensés veuillent en aucune chose, et surtout dans les choses sociales, d’une liberté illimitée. L’absolu ne va pas mieux à la liberté qu’au pouvoir. Les bornes que les premiers réformateurs ont mises en général à la liberté d’interprétation ont été celles-ci : d’abord ils ont entendu généralement revenir à l’interprétation primitive ; ils ont soutenu ou du moins supposé qu’ils avaient retrouvé la foi des siècles apostoliques, et par là ils ont, sous quelques rapports, subordonné la pureté de la foi à des recherches historiques. En second lieu, une fois en possession d’un certain nombre d’articles de croyance auxquels s’étaient successivement réunies des populations entières, ils les ont naturellement rédigés en symboles. Une convention écrite paraissant nécessaire à la formation de toute société, il n’en est aucune qui n’ait fini par écrire sa loi. Ainsi les destructeurs de l’ancienne orthodoxie ont été ramenés à l’idée d’une orthodoxie qui leur fût propre, c’est-à-dire d’une confession de foi qui fût tenue pour définitive, et qui devînt autant que possible la ; règle immuable des nouvelles églises. Il était seulement évident, par les circonstances mêmes de leur origine, que ces nouvelles formes du christianisme ne pouvaient prétendre à toute l’inflexibilité dont se glorifiait le catholicisme. Elles ne se perdaient pas dans un obscur passé. On aurait pu dire aux consistoires, aux églises qui les défendaient contre l’instabilité, ce que Royer-Collard disait à nos chambres représentatives : .« Vous, pouvoir écrit et qui vous êtes vu écrire ! » L’antiquité obscure de l’origine est ce que les hommes ont eu longtemps du penchant à nommer légitimité, prérogative très efficace tant qu’elle n’est pas contestée. Elle manquait à tout pouvoir gardien de l’interprétation des livres saints selon la réforme. En vain prétendait-on faire remonter ce nouveau commentaire à la foi des premiers siècles : c’était une question d’érudition et de critique, dont la solution ne pouvait