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Cependant la version d’Osterswald, qui jouit d’une certaine autorité parmi les protestans, s’exprime ainsi : « Toute l’Écriture est divinement inspirée et utile pour enseigner, pour convaincre, pour corriger, pour instruire dans la justice. » Cette version, comme on voit, est assez différente de la première, et tout tient à l’insertion de la conjonction Centre inspirée et utile. Cette conjonction n’est pas dans la Vulgate, que suit de préférence notre église ; mais elle est dans les plus anciens textes grecs, et Richard Simon a soutenu contre Arnauld qu’il fallait y revenir. On conçoit que tous les partisans de l’autorité scripturale contre celle de l’église et de la tradition soient naturellement portés à se ranger à l’avis de Richard Simon ; mais je dois ajouter que M. l’abbé Glaire, qui n’est certes pas de leur parti, se prononce comme eux dans la question[1]. Parmi les éditeurs récens du Nouveau Testament, Lachmann est naturellement du même côté, tandis que Griesbach semble appuyer la leçon d’Origène[2].

L’ancien texte grec littéralement traduit devient ce qui suit : « Toute écriture est inspirée de Dieu et utile pour enseigner, etc. » Or cette proposition est évidemment fausse, ou du moins tellement exagérée qu’on ne sait comment l’expliquer, et, pour échapper à cette difficulté, les uns traduisent : « Toute l’Écriture est inspirée, etc., » ce qui n’est pas dans le grec ; les autres traduisent avec le cardinal Duperron : « Toute écriture inspirée de Dieu est aussi (en même temps) utile pour instruire, etc., » ce qui est un peu forcé. On voit combien est faible la base de la critique littérale pour ceux qui voudraient fonder sur un texte toute l’inspiration des Écritures. Il faut évidemment chercher d’autres autorités, c’est-à-dire recourir à une critique plus élevée et plus générale, car, en accordant que ces mots toute écriture se rapportent à ces lettres sacrées dans lesquelles l’apôtre vient de dire que Timothée a été instruit, il reste à savoir quelles elles sont. Or c’est tenter l’impossible que de vouloir déterminer quels sont les écrits dont saint Paul veut parler, et s’il s’agit de tout ou partie de la sainte Écriture, ou même d’ouvrages que nous avons perdus, car enfin nous n’avons pas tout ce qui peut avoir été écrit par les apôtres ou sous leurs yeux, et ils avaient tous reçu les mêmes dons. Il reste donc pour question unique, mais capitale, de savoir ce que veut dire une écriture inspirée de Dieu. Est-ce ce qu’on entendrait en disant qu’un écrivain sacré, que saint Bernard ou saint François de Sales, que l’auteur de l’Imitation est rempli de l’esprit de Dieu ? Est-ce ce qu’entendait le

  1. Introduction aux livres de l’Ancien et du Nouveau Testament, t. Ier.
  2. M. Berger de Xivrey, dans les Mémoires de l’Académie des Inscript. , t. XXIII ; p. 89.