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vivante, son autorité est plus grande que celle de l’Écriture même. C’est la première qui garantit la seconde. Cette fatale conséquence n’est plus déniée par les apologistes de notre temps. Quant à la question de savoir où repose en fait l’autorité de l’église, si c’est dans l’église entière, le concile ou le souverain pontife, c’est-à-dire le suffrage universel le système représentatif ou l’absolutisme, on en discute. Le catholicisme a ce problème pour fondement.

On ne s’étonnera donc pas que l’inspiration des Écritures ait été entendue plus rigoureusement par les protestans que par les catholiques. Ceux-là croyaient avoir, comme ceux-ci, surtout dans les premiers temps de la réforme, besoin d’une règle de foi ; ils la trouvaient dans l’Écriture, dans l’Écriture seule. Rompant avec la tradition ou avec ce qui s’appelait de ce nom, rejetant l’autorité dogmatique de l’église romaine, ils n’avaient plus ni ne pouvaient avoir d’interprète attitré du divin livre. Ils en devaient naturellement affirmer davantage, exalter, amplifier l’autorité, et il est tout simple qu’ils aient été entraînés à ne la croire sainte qu’en la faisant absolue. Il a été soutenu que l’inspiration, c’est-à-dire à la fois la vérité parfaite et la divinité de la parole, s’étendait non-seulement aux faits et aux idées, mais au texte même, aux mots dont il se compose, et, comme on l’a dit, aux points et aux virgules, ce qui mettrait dans une condition fâcheuse et inférieure la foi de ceux qui ne savent ni le grec, ni l’hébreu, ni le syro-chaldéen.

C’était une précaution prise contre le danger d’une interprétation illimitée. En effet, par l’exemple de ses fondateurs, par son esprit, par son enseignement et sa pratique, la réforme, ne pouvait se défendre de rendre la conscience et la raison juges en dernier ressort de la vérité religieuse. Elle la voyait, cette vérité, dans les livres saints ; mais ces livres saints, elle avait commencé par en discuter l’origine au point d’en réduire le nombre. Ensuite ou en même temps elle en avait, sur des points nombreux et importans, modifié l’interprétation traditionnelle, l’interprétation reçue, et elle y avait substitué la sienne, puisée dans une étude nouvelle des textes. Elle pensait les avoir mieux compris, et elle ne se croyait plus avancée dans la vérité que parce qu’elle était revenue au sens légitime de l’Écriture, Avec un tel point de départ, c’était bien le moins qu’elle opposât aux dangers, ou, si on l’aime mieux, aux écarts possibles de l’examen en matière de foi l’inviolabilité et l’infaillibilité du livre. Elle a donc pu exagérer en ce sens et prodiguer en quelque sorte la divinité aux écrits qui l’attestent. Ce n’est pas tout : elle a cherché à poser une autre barrière dans la voie où elle était entrée. Ses premiers docteurs, ses premiers croyans s’étaient çà et là unis dans le même esprit et dans les mêmes dogmes. Ne fût-ce que pour se