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prochain. Maintenant que les voix cléricales, puisque l’on en vient à ces dénombremens et à ces classifications, aient repoussé M. Cuvillier-Fleury, nous le regrettons ; il nous semble surtout qu’elles ont manqué de justice en omettant le nom de M. de Carné, pour improviser une candidature à laquelle le public n’avait pas encore songé. Ce que nous déplorons surtout, c’est que dans les bizarres emportemens de passion auxquels viennent de donner lieu les nominations académiques, certains écrivains, ceux surtout qui devraient le mieux en apprécier la valeur, aient méconnu les titres de M. Albert de Broglie à la distinction que l’Académie lui prépare. M. Albert de Broglie n’a point courtisé la popularité ; mais parmi les lettrés de sa génération, malgré les dissidences d’opinion qui peuvent nous séparer les uns des autres, qui n’a pas admiré l’élévation de son talent ? Nous n’aimons pas plus que d’autres les usurpations du faux esprit aristocratique, mais croit-on qu’il soit de bon goût et de bonne démocratie de retourner avec une vulgaire envie les avantages de la naissance contre ceux qui ont demandé uniquement à leurs propres œuvres et à leur mérite la place distinguée qu’ils occupent dans l’estime et les sympathies de leurs contemporains ?

Ces vaines querelles d’amour-propre paraissent bien mesquines, lorsqu’on voit la mort, qui tient en éveil les ambitions académiques, frapper autour de nous des amis et des maîtres. Un tragique accident portait, il y a un mois, la désolation au sein d’une famille aux douleurs de laquelle les lecteurs de la Revue n’ont pu demeurer étrangers : M. Pierre de Rémusat mourait dans la vigueur de la jeunesse, et sa perte laissait parmi les siens un vide d’autant plus cruel que seuls ils avaient pu mesurer et aimer suffisamment ses solides et modestes qualités. Hier, c’était un homme plein de sève encore qui nous était subitement enlevé. Nous voulons parler de M. Baude. Nous n’avons pas besoin de dire ici quels étaient les mérites de l’esprit de M. Baude. Ces travaux si intéressans sur les côtes de France, qu’il poursuivait sans relâche, sont dans la mémoire du public. M. Baude y mêlait à une clarté d’exposition et à une vivacité de description peu communes les vues de l’administrateur, de l’économiste, du militaire ; c’est que, dans sa carrière si bien remplie, M. Baude avait pu s’approprier par l’étude et par la pratique les connaissances les plus variées. Il avait appartenu, dans sa jeunesse, au conseil d’état de l’empire ; il avait, sous la restauration, appliquée la presse son activité politique. En 1830, rédacteur en chef du Temps, il donna le premier l’exemple de la résistance légale aux ordonnances inconstitutionnelles de Charles X. Il occupa jusqu’en 1848 une place importante à la chambre des députés ou au conseil d’état. Il consacra les loisirs que lui fit la révolution de février aux travaux dont a profité la Revue. C’était un honnête homme, intelligent, sensé, demeuré fidèle aux principes de 1830, et dont ceux qui l’ont connu n’oublieront jamais la bienveillante aménité.

Au dehors et près de nous, c’est toujours l’Italie qui attire la première notre attentive et sympathique surveillance. Des manifestations bruyantes