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de ranimer. Quelles étaient les causes véritables de l’état languissant du crédit français, voilà où était, suivant nous, le point élevé et important du débat. C’est là que nous eussions voulu voir s’établir les organes de l’opposition, et non dans la critique de tel ou tel détail de la mesure, d’ailleurs ingénieusement combinée, du ministre. C’est là qu’on eût dû rechercher le mal et montrer le remède. Certes l’embarras des finances n’est point un accident nouveau en France. On l’a bien connu au XVIIIe siècle, dans un temps où, pour employer une heureuse expression de M. le marquis de Piré, le pouvoir était, non pas despotique, mais absolu. Un jour, vers 1769, d’Alembert écrivait à Voltaire : « Le contrôleur-général est, dit-on, bien embarrassé pour trouver de l’argent ; Dieu le père n’en trouverait pas. Hippocrate, Esculape et toute l’école de médecine ne rétabliraient pas un malade qui se donnerait tous les jours, à dîner et à souper, une indigestion. » Ce que ne pourraient ni Hippocrate, ni Esculape, d’après d’Alembert, il y a une force qui le peut : c’est la force de la liberté manifestée par une vigilante presse et une représentation vivifiée elle-même par la libre expression de l’opinion publique. La découverte de ce remède contre les indigestions des contrôleurs-généraux a été faite en Angleterre, et le remède a quelquefois été appliqué chez nous, non sans succès, aux finances. Il eût peut-être été utile et opportun de le rappeler, tout en souhaitant, comme nous le faisons, le meilleur succès à la transaction que M. Fould propose aux rentiers.

Si nous cherchions autour de nous quelque affaire de politique intérieure, nous n’en pourrions, sans contredit, trouver de plus piquante à l’heure qu’il est que celle de l’Académie. Nous, n’avons aucun goût à empiéter sur le domaine des luttes académiques ; mais nous avons bien été forcés d’entendre le bruit qui, depuis quelque temps, se fait de ce côté-là. Notre embarras est d’autant plus grand que parmi les compétiteurs qui se disputent les fauteuils nous ne comptons guère que des amis, et que, bien loin de vouloir en frapper aucun d’exclusion, nous voudrions, s’il n’en devait rien coûter aux trente-sept immortels encore vivans, voir la plupart des candidats pour lesquels on s’est battu s’asseoir et rayonner à l’Académie. Nous ne voulons que protester contre quelques injustices commises dans cette lutte. Chose singulière ! on se plaint de voir les influences et les combinaisons politiques envahir l’Académie, et ce sont ceux qui dénoncent cette confusion avec le plus de courroux qui, au dernier scrutin, ont été le plus dociles au mot d’ordre de la politique : nous avons peine à croire qu’on puisse laver de toute couleur politique la candidature d’un fonctionnaire élevé du ministère d’état, malgré toutes les « agréables » comédies qu’il a écrites. Si le parti au nom duquel on se plaint de l’abus des influences politiques eût voulu prouver qu’il n’était touché que des titres littéraires des candidats, c’est sur M. Octave Feuillet que ses voix auraient dû se réunir. Il eût fait preuve ainsi de sincérité, et eût donné à ses adversaires un bon exemple et une spirituelle leçon. M. Sainte-Beuve a en vérité trop d’esprit et pas assez de charité : il ne voit que la paille dans l’œil du