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commises contre ses sujets par le gouvernement mexicain. Justement le président de la nouvelle république, M. Jefferson Davis, a été l’inventeur de ce système de banqueroute dont les Anglais ont eu tant à souffrir, et qui porte dans l’histoire financière des États-Unis le nom de répudiation. Le Mississipi est le premier état qui ait commis cette sorte de banqueroute ; M. Jefferson Davis était gouverneur du Mississipi. La législature mississipienne avait reconnu sa dette et avait pourvu aux moyens de l’acquitter ; mais M. Jefferson Davis opposa son veto au projet de loi réparateur. Par quel contre-sens, par quelle aberration l’Angleterre et l’opinion éclairée de l’Europe iraient-elles en ce moment reconnaître et soutenir sous forme de gouvernement indépendant ce qu’il y avait de plus repoussant comme système dans la politique américaine, et parmi les politicians de l’Union ceux qui se sont toujours montrés le plus antipathiques aux sentimens et aux idées de l’Europe ?

Cette faute ne sera point commise ; l’appel éloquent adressé par M. Mill à l’opinion anglaise sera entendu. Nous sommes convaincus que les états sécessionistes auront perdu une de leurs plus grandes forces le jour où l’opinion européenne se sera prononcée nettement contre leur cause. C’est donc contribuer à rapprocher le terme de la guerre civile suscitée par ces états que de leur ôter tout espoir du côté de l’Europe. En France, leurs obscurs partisans ne se sont trahis que par quelques velléités promptement refoulées par l’honnêteté de l’opinion et par les souvenirs qui nous attachent à la fondation de la grande république américaine, menacée de ruine par la révolte du sud. En Angleterre, une réaction équitable se produit. Sous l’impulsion d’hommes tels que M. Mill, le mouvement ne peut manquer de s’étendre. Ces nouvelles dispositions de l’opinion européenne coïncident d’ailleurs avec un retour de fortune pour les armes fédérales. Un succès important a été obtenu dans le Kentucky. De grandes expéditions commecent leurs mouvemens. Encore quelques semaines, et la campagne active de 1862 sera fortement avancée, et pourra donner des résultats décisifs. Si les hommes du sud sont obligés en même temps de renoncer à tout espoir du côté de l’Europe, la plus simple prudence ne les inclinera-t-elle pas à des pensées de transaction dans un moment où le rétablissement de l’union par un compromis pourrait s’accomplir encore sans déshonneur pour aucune des deux parties ?

Les papiers diplomatiques présentés au parlement par lord Russell nous montrent que l’Angleterre est moins engagée que nous dans l’affaire du Mexique. Nous regrettons pour notre compte qu’il n’ait pas été possible à la France de retenir un peu l’Espagne, ou de ne pas être obligée de marcher de son pas dans cette affaire du Mexique. La France, pour être moins réservée que l’Angleterre en cette circonstance, a une excuse : quinze mille Français sont établis au Mexique ; leur sécurité, leur existence, déjà très précaires, eussent été compromises gravement par l’attaque de la petite armée espagnole, qui n’était point assez forte pour intimider les Mexicains