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de charité. Je voudrais pouvoir donner aux hospices, aux dispensaires, aux écoles, je voudrais pouvoir aider libéralement les grandes infortunes, pouvoir remettre à flot, par un don, par un prêt fait à temps, l’homme qui chancelle entre l’industrie et la ruine ; mais je voudrais en même temps distribuer, sou par sou, au mendiant que je rencontre, un secours qui peut-être dans ce moment le sauve d’une atroce souffrance. Je ne dirais point que je ne donne jamais aux enfans, jamais aux valides, jamais à ceux dont je connais le vice, car peut-être, dans le moment où je refuse avec ma règle, la faim, qui n’a point de règle, est sur eux ! » Excellentes paroles, vraiment philosophiques et vraiment chrétiennes, touchans scrupules où se retrouve encore l’inspiration de toute sa carrière, je veux dire l’amour de la liberté en toutes choses, le respect de la spontanéité humaine, l’horreur de ces formules tyranniques ou de ces habitudes passives qui tarissent les sources de la vie.

Cette charité dont Sismondi parle si bien, il la pratique, nous le voyons par ses lettres, envers tous ceux qui souffrent. Nulle douleur, particulière ou collective, ne le trouve indifférent. Historien des choses passées, il a toujours les yeux ouverts sur le présent ou l’avenir, et il devient aussitôt, clamante conscientia, l’avocat de toutes les infortunes. On a entendu ses cris au sujet de nos émeutes de 1834, on sait par sa correspondance avec Mlle de Sainte-Aulaire combien était ardente et sincère sa sollicitude pour la France, et ses lettres à Mme Mojon le montrent dévoué à la cause italienne. C’est par Mme Mojon qu’il est en rapports avec les réfugiés de Rome ou de Naples, par elle qu’il leur adresse ses conseils, ses encouragemens, et aussi, quand il le faut, ses chaleureuses remontrances. Son dévouement à cette cause ne l’aveugle pas sur une partie des hommes qui la soutiennent. C’est bien l’homme qui a dit : « Je suis libéral, je suis républicain, je ne serai jamais démocrate. » Après l’échauffourée de Savoie en 1834, il écrit à Mme Mojon : « Ce Mazzini, que vous m’aviez recommandé autrefois, a été le principal moteur de cette malencontreuse tentative. Sans doute il a bien de l’esprit, bien de l’âme, mais je voudrais encore moins de son gouvernement que des plus mauvais qui existent. Ses principes absolus, à mes yeux, sont tous faux ; le but qu’il se propose est contraire à toute liberté, et ses moyens sont tour à tour imprudens et coupables… » Mais, si un vrai libéral italien engage loin de sa patrie une vie de labeurs et de luttes dont profitera le bien public, avec quel empressement il lui tend sa loyale main ! Notre collaborateur et ami M. Charles de Mazade rappelait dernièrement ici même, dans une remarquable étude, l’accueil fait à Rossi par nos démocrates français, lorsque M. Guizot et M. le duc de Broglie chargèrent l’éminent