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au commerce des caravanes qui apportent sur le marché d’Aden les denrées de l’intérieur, on peut l’évaluer à cent mille charges de chameaux par année, dont la valeur totale est de II lacs de roupies, soit 1 million de francs[1]. Plus de 2,000 barques de cabotage, surtout des boutres arabes, ont également fréquenté ces eaux en 1857-58. Tous ces petits bâtimens représentent ensemble une jauge de près de 50,000 tonneaux. Les importations et exportations ont atteint le chiffre de 29 millions de francs, dont environ un tiers pour le mouvement des métaux précieux, lingots ou pièces monnayées. Parmi les articles d’importation figure en première ligne la houille pour une valeur qui dépasse 3,500,000 francs, et qui, au taux moyen de 60 francs la tonne de houille, prise à bord, représente un transport annuel de 60,000 tonnes de charbon, soit près du tiers du poids de toutes les marchandises importées et exportées à Aden. Ce simple aperçu permet d’apprécier d’un coup d’œil toute l’importance commerciale que l’Angleterre emprunte à ses mines de nouille. On peut appeler les Anglais les grands marchands de charbon du globe, comme on a nommé les Américains, qui naviguent au plus bas prix, les rouliers de la mer. On ne saurait se dissimuler qu’il y a là pour ces deux peuples un genre de supériorité dû à des causes toutes spéciales, et qu’il sera bien difficile de leur ravir.

Les exportations ou plutôt les réexportations du port d’Aden consistent surtout en café, ivoire, gommes, safran, dattes, perles de la Mer-Rouge, etc. L’industrie de la ville est nulle ou à peu près, et le véritable commerce d’Aden est un commerce d’entrepôt. Les Anglais ont compris cette situation spéciale, et un acte du parlement britannique, promulgué en 1850, a déclaré Aden port franc. Le résultat de cette mesure a été surprenant, si bien que le chiffre total représentant la valeur du commerce d’importation et d’exportation pendant les années 1850-57, est presque quadruple du chiffre qui correspond à la période septennale qui a précédé l’ouverture du port d’Aden. Tels sont les heureux effets qu’amène avec elle la liberté commerciale.


III. — LA POLITIQUE MARITIME DE L'ANGLETERRE, LA QUESTION DE L’ISTHME DE SUEZ ET CELLE DE MADAGASCAR.

Aden offre à l’Angleterre une position exceptionnelle, d’une inappréciable valeur. C’est une véritable base d’opérations d’où elle prépare chacune de ses occupations dans la Mer-Rouge, son extension

  1. La roupie de l’Inde vaut 2 francs 50 centimes et le lac 100,000 roupies.