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talens ou sur les œuvres, on s’est contenté trop souvent de rétablir l’orthographe des noms propres ou de restituer des dates inutiles.

Il était temps que les matériaux entassés trouvassent leur juste place et leur emploi, il était temps qu’un choix fût fait entre ces débris inégalement précieux, et qu’au lieu de les étiqueter un à un, au fur et à mesure des découvertes, on s’en servît pour reconstruire les lignes générales et pour nous rendre l’aspect du passé. C’est ce travail de recomposition vraiment historique qu’a entrepris M. Vitet, et qu’il a récemment mené à fin avec cette science affable, avec cette ferme bonne grâce qu’il apporte même dans l’examen des questions les plus compliquées et les plus arides. Celles qu’il s’agissait ici de résoudre pouvaient aisément devenir, sous une plume moins judicieuse ou moins courtoise, un prétexte à d’interminables confidences archéologiques, à cet étalage de renseignemens officiels derrière lesquels on a coutume de se retrancher aujourd’hui pour se dispenser de rien décider soi-même, de parler en son propre nom et de juger à ses propres risques. Rechercher les origines, la constitution et les aventures successives de l’Académie royale de peinture et de sculpture dans des actes de procédure oubliés ou inconnus, dans le fatras de mémoires, de requêtes et d’arrêts que nous ont légués les fondateurs, les adversaires ou les patrons de la compagnie, la belle occasion vraiment de faire montre d’abnégation et de conscience en transcrivant le tout jusqu’à la dernière virgule ! quel moyen commode d’abriter sa responsabilité sous l’éloquence des pièces, dût cette éloquence tourner bien vite au verbiage et laisser dans l’esprit du lecteur moins d’instruction que de fatigue ! Par ce temps de paléographie à outrance, la tentation eût été forte pour un écrivain quelque peu à court d’opinions fixes et de doctrines : c’est dire qu’elle ne devait pas même effleurer le talent si sûr auquel on doit l’étude sur Lesueur et tant d’autres travaux où le conseil trouve place à côté de l’exposé historique, où l’expérience de l’érudit vient seulement en arde à l’autorité de l’homme de goût.

M. Vitet, on le sait de reste, n’a pas coutume d’isoler les faits de la leçon qu’il convient d’en tirer, ni de subordonner en matière d’art l’intelligence d’une époque ou d’une école au dépouillement minutieux d’un dossier. En conclura-t-on que, pour écrire l’histoire de l’Académie de peinture, M. Vitet ait cru pouvoir faire bon marché des anciens documens, qu’il se soit refusé aux longues investigations, à l’étude attentive des textes, qu’il ait en un mot dédaigné de connaître tout ce qui avait été dit sur ce sujet avant de prendre à son tour la parole ? Si la marche même du récit ne suffisait pour prouver le contraire, les pièces authentiques placées à la suite de ce récit