Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 36.djvu/864

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

chose sera parce qu’elle doit être, nous avons la confiance qu’un accord interviendra entre la Hongrie et l’Autriche parce que tout le veut, l’intérêt bien entendu, les précédens historiques, le génie particulier, la position géographique elle-même, enfin les destinées ultérieures et nécessaires des deux peuples.

Au reste, quelle que soit la forme du mouvement populaire qui pousse le gouvernement impérial autrichien à suivre au dedans et au dehors une politique sage et libérale, on ne peut ignorer que la solidité du nouvel édifice constitutionnel dépend beaucoup de la volonté de l’empereur François-Joseph lui-même. Que doit-on attendre de ce prince qui fêtait le 18 août 1861, à Ischl, l’anniversaire de sa trente et unième année ? L’éducation qui lui a été donnée n’est peut-être point celle qui aurait pu le préparer au rôle sévère que lui impose la situation de son empire. Les puérilités de l’étiquette, l’adulation des courtisans, les petitesses aristocratiques, toutes ces influences affadissantes qui, en Allemagne comme ailleurs, appauvrissent les races princières, ont peut-être exercé une action fâcheuse sur l’esprit du jeune archiduc appelé si brusquement à relever un état chancelant. Depuis lors néanmoins il a passé par des épreuves multipliées : l’homme, le prince et le soldat ont souffert en lui ; sa raison et son courage ont pu se fortifier. Nous cherchions à lire ses pensées sur son visage dans la courte apparition qu’il fit, il y a quelques mois, à sa résidence d’été favorite, sur ces montagnes où, à peine adolescent, il méritait le nom du plus hardi des chasseurs de chamois. L’expression sérieuse et ferme de sa physionomie indiquait une énergie capable de supporter le poids des préoccupations les plus graves. D’après ce que l’on sait et ce que l’on voit, l’empereur François-Joseph est un prince instruit et surtout laborieux ; il parle toutes les langues de son empire, il en étudie toutes les affaires importantes ; il veut apprendre, s’éclairer lui-même, conditions nécessaires pour prendre un parti et y persévérer. On a rendu depuis longtemps justice à ce profond sentiment d’honneur militaire qui anime le jeune empereur ; on pourrait souhaiter qu’il y joignît l’amour et la science des arts utiles, des arts pacifiques, qu’il songeât non-seulement à la gloire de son drapeau et au renom de son armée, mais qu’il leur préférât le développement des forces productives dont la Providence a si largement doté son pays. Pourquoi donc, en poursuivant à l’aide des principes de la civilisation moderne la régénération des peuples dont Dieu lui a remis la garde, l’empereur d’Autriche ne s’efforcerait-il pas de mériter non-seulement dans l’avenir les louanges de l’histoire, mais avant tout dans le présent les bénédictions de ses sujets ?


BAILLEUX DE MARISY.