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le dessein très arrêté de part et d’autre de ne pas recourir à la violence. Il est évident que la Hongrie ne pourrait aujourd’hui recommencer la lutte de 1848. Les régimens hongrois, commandés par des officiers allemands et mélangés de Valaques, ont tous été envoyés dans, des garnisons lointaines. Les places fortes de Presbourg et de Comorn sont entre les mains de commandans énergiques, les armes mêmes manqueraient aux nouveaux honveds. Plus que tout cela, la direction du mouvement n’a pas cessé d’être imprimée dans un sens légal ; la diète hongroise elle-même s’est séparée en protestant qu’elle cédait à la force. À défaut de lutte armée, la résistance passive n’en eût pas moins été déplorable ; ne payer les impôts que sur réquisition militaire, n’entrer dans le contingent que comme contraint et forcé, s’abstenir de toute entreprise et de toute transaction, c’eût été un moyen sûr d’appauvrir le trésor autrichien, déjà si pauvre, et d’élargir le déficit, déjà si grand. Mais de quelles souffrances les populations hongroises n’auraient-elles pas payé une telle conduite ! D’un autre côté, le gouvernement impérial ne doit pas souhaiter de vaincre la Hongrie par la lassitude et l’épuisement. La seule issue du différend qui les divise est une entente amiable. Si les Magyars n’ont aucun motif sérieux de repousser une union réelle avec l’Autriche, pourvu qu’elle leur accorde tout ce qui est compatible avec l’intégrité et l’unité de la monarchie, il est juste de reconnaître que comme punition de ses fautes passées l’Autriche ou plutôt le gouvernement autrichien doit se montrer très facile et prêt à tous les accommodemens. Le point important à Vienne, c’est que le Reichsrath puisse dans certains cas stipuler avec et pour la Hongrie ; le point important à Pesth, c’est que l’accord soit ratifié par une diète hongroise. Sans cette ratification, la race magyare se croira vaincue, mais ne se sentira pas liée à la loi du vainqueur. Des deux parts, il est profondément regrettable qu’on ne se soit pas entendu dès le principe : le patriotisme hongrois pouvait avec quelques concessions de forme se rendre au système du 20 octobre ; le gouvernement impérial n’aurait peut-être pas couru des dangers aussi grands que nous l’avons supposé en octroyant tout ce qui lui était demandé. Pendant de longues années, la couronne d’Angleterre a été réunie en effet à celle de l’Ecosse, et le parlement d’Edimbourg siégeait en même temps que celui de Londres. La force même des événemens eût amené la réunion amiable de l’Autriche et de la Hongrie, qui au fond n’est point révolutionnaire, comme elle a amené sous la reine Anne la réunion des deux parlemens d’Ecosse et d’Angleterre.

Aujourd’hui, selon l’aveu même échappé à M. Kossuth, il faut de toute nécessité qu’un compromis intervienne. Si l’empereur François-Joseph