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des couronnes de Croatie, d’Esclavonie et de Dalmatie, même s’il s’étendait aux limites de l’an 1000, n’a pas l’importance du royaume de Hongrie. Sans la Dalmatie, qui repousse toute prétention d’assimilation avec la Croatie, il est de beaucoup inférieur. Enfin la race magyare l’emporte de beaucoup sur celle des Slaves qui habitent la Croatie et l’Esclavonie, et si les premiers n’avaient pas commencé la lutte, il est certain que les seconds ne la soutiendraient pas. Aussi n’est-il pas impossible d’amener la diète d’Agram à composer seule avec la cour de Vienne en concédant quelque chose sur la question d’autonomie.

Le gouvernement autrichien avait paru tout d’abord décidé à repousser péremptoirement l’union de la Dalmatie avec les deux autres parties du royaume triple et un ; c’est en effet en soutenant la Dalmatie, qui veut rester séparée, que l’Autriche a prise sur les prétentions croates, comme elle a prise sur la Hongrie en protégeant la Transylvanie contre les revendications magyares ; mais le gouvernement impérial n’avait pas à opposer les mêmes objections à la réunion des frontières militaires avec la Croatie. Les confins militaires ont été, dans la patente de février 1861, maintenus à titre de province séparée ; ils n’avaient pas le droit d’envoyer des députés à la diète d’Agram : ils ont adressé à ce sujet une demande à l’empereur, qui leur a permis de nommer des représentans pour discuter seulement les questions politiques. On conçoit en effet qu’en maintenant aux confins militaires leur organisation spéciale, il n’y avait pas lieu de laisser leurs représentans se mêler à la confection des lois civiles. Dans un rescrit adressé à la diète d’Agram le 4 septembre 1861, l’empereur a maintenu cette décision et opposé ainsi une fin de non-recevoir aux résolutions par lesquelles la diète croate avait officiellement proclamé la réunion des confins militaires et l’abolition de leur organisation particulière ; mais en même temps il annonça qu’il prendrait des mesures pour que les représentans des confins fussent convoqués en cas de besoin. Or, puisque des deux côtés on désire l’union, puisque l’organisation des confins militaires ne présente plus, au dire des hommes les plus compétens, les mêmes avantages par rapport à la composition de l’armée autrichienne, puisque cette organisation n’a plus sa raison d’être comme obstacle aux envahissemens d’un voisin puissant, aux invasions des Turcs, puisqu’elle prive enfin l’empire de grandes ressources et s’oppose au développement des forces productives d’un riche territoire, entravées dans leurs progrès par une constitution de la propriété qui a tous les inconvéniens du communisme, on s’est demandé s’il ne serait pas d’une sage politique pour le gouvernement impérial d’acheter par une concession importante une