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XIVe siècle qu’on doit invoquer, mais bien ce que commande l’état présent et ce qu’imposent les nécessités actuelles. Tant que les Magyars luttent pour des libertés personnelles, lorsqu’ils repoussent l’absolutisme autrichien, lorsqu’ils veulent parler, vivre et croire comme ont fait leurs pères, on peut souhaiter le succès de leurs efforts ; mais lorsqu’ils luttent pour une ambition, pour un agrandissement que repoussent ceux-là mêmes qui en sont l’objet, lorsqu’ils refusent chez eux aux races non magyares l’autonomie complète et excessive que l’Autriche leur refuse à eux-mêmes, ce n’est plus de justice qu’il s’agit, c’est d’une entreprise dont nous devons examiner les résultats au point de vue des intérêts de l’Europe tout entière, pour qui la question de l’Autriche, fortifiée, compromise ou détruite, est l’une des plus grandes qui puissent peser sur les destinées générales.

Qu’on remarque d’abord tout ce que le projet d’une Hongrie séparée a de chimérique et de dangereux. L’Europe n’est pas si solidement assise que la dislocation de l’empire du milieu puisse impunément amonceler ses ruines à côté de celles dont nous menace l’Orient. L’Allemagne n’a pas besoin que l’ouverture de la succession des Habsbourg ajoute de nouveaux élémens de discorde à ceux qui la troublent. Enfin la race hongroise ne nous semble pas, pour l’amélioration de ces masses encore peu policées, de ces Croates, de ces Bulgares, de ces Valaques si arriérés, plus propre à remplir une mission d’initiation et d’enseignement que la race allemande, dont le seul tort est d’avoir trop longtemps supporté un gouvernement rétrograde. Le moment semble surtout mal choisi pour tenter une séparation dont l’utilité est plus que douteuse et l’équité discutable. Lorsque le gouvernement autrichien entre sincèrement, il faut le croire, dans la voie des réformes constitutionnelles, le mouvement hongrois se présente comme d’autant plus inopportun qu’il petit retarder la marche ou compromettre le succès de ces réformes. Bien des gens en effet espèrent qu’une lutte prolongée entre la Hongrie et l’Autriche amènera celle-ci à retirer des concessions qui n’auraient pas eu de prompts résultats, et, si le Reichsrath ne se constitue pas dans son intégrité, à revenir sur une combinaison malheureuse. On nous permettra d’être surtout touché de cette éventualité et de préférer au succès d’une partie des réclamations de la Hongrie le triomphe des idées libérales dans un empire qui occupe une si grande place en Europe. Une défiance motivée de la bonne foi du gouvernement de l’empereur François-Joseph pourrait seule justifier des vœux conformes aux prétentions hongroises. Rien dans ce qu’il nous a été donné de voir et d’entendre n’a pu nous inspirer ce sentiment, et il est pour nous de toute évidence que l’union réelle entre