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non-seulement comme pénalité, mais même comme moyen d’arracher des aveux. Tous ces exemples prouvent enfin avec quelle liberté d’user et d’abuser la Hongrie avait été remise en possession du pouvoir judiciaire. Le rétablissement de la loi électorale de 1848, avec ses comités de salut public, démontre à quel point la liberté des élections était restituée à la Hongrie. Enfin le gouvernement de Vienne n’a fait aucune objection à l’organisation administrative des comitats. Par une disposition toute particulière à la Hongrie, tandis que les premiers fonctionnaires administratifs, les obergespän ou comtes suprêmes, sont nommés par le souverain, qui les choisit parmi les grands propriétaires résidant souvent hors du pays, les deux vice-gespän placés sous leurs ordres, et en qui réside le pouvoir effectif, sont élus, ainsi que tous les autres fonctionnaires, par l’assemblée générale des comitats. Ces congrégations désignent en outre une commission permanente, véritable comité de salut public chargé de surveiller la conduite des autorités administratives. Or, tandis que les obergespän faisaient partie d’une aristocratie qui, dans le mouvement hongrois, ne s’est point séparée de ses compatriotes, mais qui était attachée à l’Autriche par des liens de tout genre, il faut reconnaître que les vice-gespän et les autorités élues ont été recrutés surtout parmi les hommes de 1848, et c’est dans cette organisation que l’on doit chercher l’explication de tout le mouvement hongrois. Ces concessions faites à d’anciens usages devaient plus profiter au despotisme des passions qu’à la liberté. Elles témoignent en tout cas de l’étendue des restitutions concédées par le gouvernement impérial. Enfin, avec l’usage officiel de la langue nationale, les formes traditionnelles de l’administration, le rétablissement des lois anciennes, la Hongrie voyait se rouvrir son parlement, composé de deux chambres : celle des magnats, où rentraient, par le droit de leur naissance, tous les anciens membres de la chambre haute, et la chambre des députés, dont la nomination se fit conformément à une loi que la couronne pouvait à la rigueur considérer comme révolutionnaire. Un divorce aussi complet avec la politique des années précédentes, un abandon aussi formel des principes qui avaient dirigé la conduite des ministres qu’on appelle unitaires, en un mot des concessions aussi importantes témoignent pu une grande faiblesse dans le gouvernement dont elles émanent, ou une grande bonne foi dans ses déclarations. On conçoit que les ennemis, intérieurs ou extérieurs du gouvernement autrichien aient cru à sa faiblesse ; les hommes influens dont nous venons de parler, et avec eux les conservateurs libéraux hongrois ou allemands, devaient croire à sa bonne foi.

Nous venons de prononcer le mot de concessions ; c’est là, aux yeux de beaucoup de gens, le vice qui tue dans son germe l’œuvre