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charbon dans les colonies empêche seul qu’on l’applique comme engrais à la fumure des champs. Le jus qui s’est échappé de la canne, et qui varie dans les proportions de 60 à 65 pour 100 du poids du roseau, reçoit le nom de vesou. Ce liquide marque de 10 à 12 degrés à l’aréomètre, et renferme 18 ou 20 pour 100 de sucre cristallisable, Il descend dans de vastes bassines en fer, chauffées par un foyer inférieur ou par un double fond dans lequel circule de la vapeur. Au moyen de la chaux, on coagule l’albumine et l’on précipite les sels minéraux que renferme le vesou, opération qui porte dans les usines le nom de défécation. Des appareils à déféquer, le vesou est amené dans les bacs de décantation, où le liquide, concentré par la chaleur, prend dès lors le nom de sirop. Les bassines dans lesquelles on opère sont en cuivre ou en fer, et s’appellent en termes du pays des batteries à la Wetzelle ou à la Gimard, du nom de leurs inventeurs. Il est juste de dire que l’un et l’autre sont de Bourbon. Ils ont introduit de grands progrès dans la fabrication du sucre par les procédés intelligens dont les premiers ils ont indiqué l’application. Les batteries à la Gimard, étagées au nombre de six ou huit et chauffées par le feu ou par la vapeur, permettent de graduer la concentration du premier appareil au dernier. Les décanteurs à la Wetzelle, chauffés par la vapeur au moyen d’un double fond ou d’un système tubulaire et hémisphérique, donnent la faculté de concentrer dans le même appareil les sirops au terme voulu, c’est-à-dire à 28 ou 30 degrés de l’aréomètre. De ces appareils, les sirops sont amenés par des pompes dans des chaudières fermées où l’on fait le vide, de telle sorte que la cuite et la cristallisation s’y produisent très rapidement. L’application de tous ces appareils aux sucreries coloniales a remarquablement simplifier la fabrication, naguère encore dans l’enfance. Les cristaux ; au sortir du vide, sont sèches et souvent décolorés dans des turbines à force centrifuge, énormes toupies mues par l’eau ou la vapeur et faisant plusieurs milliers de tours par minute ; C’est dans ces toupies que se pratique l’opération dite du turbinage, qui termine la fabrication.

La méthode qui vient d’être décrite est celle qui est employée dans la plupart des usines de Maurice ; c’est aussi celle que grand nombre de sucreries suivent à la Réunion. Cette méthode se rapproche tellement dans ses principales opérations des procédés en usage dans les raffineries d’Europe, qu’il faut aujourd’hui bien peu de chose aux sucreries coloniales pour fabriquer des produits raffinés. Nous avons vu, à Bourbon surtout, des sucres d’une teneur de 96 et 98 pour 100, auxquels il ne manquait plus que la forme de pains : non qu’ils y eussent gagné, car le sucre en pain est confusément cristallisé, tandis que les sucres dont nous parlons, en cristaux