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par des difficultés quotidiennes, et nous reconnaissons que les ressources de trésorerie ne sauraient manquer à un ministre adroit. La perspective de l’emprunt ainsi repoussée dans l’avenir, M. Fould se trouve en présence du budget de 1863, qu’il s’agit d’établir sous une nouvelle forme, en abandonnant la routine et l’expédient des crédits supplémentaires.

On connaît les inconvéniens de notre ancien système. Nous avions, à proprement parler, deux budgets des dépenses : le budget normal et le budget des crédits. Nous n’avions qu’un budget des recettes, celui où étaient prévus les revenus des impôts, et qui se balançait à peu près avec le budget normal des dépenses. Il était depuis plusieurs années pourvu au budget des crédits, non avec des ressources fournies par le revenu régulier des impôts, mais au moyen des ressources de la dette flottante, ou de petits emprunts déguisés, comme le nouveau capital de la Banque de France prêté au gouvernement par cette institution lors du renouvellement de son privilège, ou les fonds de la dotation de l’armée convertis en rentes. L’innovation introduite par M. Fould aura pour premier effet de ramener dans le même et unique cadre toutes les dépenses et de pourvoir à toutes les dépenses avec les ressources régulières du produit annuel des impôts. Les bons esprits du corps législatif s’étaient plaints dans la dernière session de la confusion que l’ancien système répandait dans la situation financière. Avec les anciens erremens, il n’était guère possible de se rendre un compte bien exact de la totalité des dépenses faites, des lacunes, du revenu et du déficit réel que laissait un exercice. M. Gouin entre autres avait présenté à la chambre le tableau approximatif des dépenses totales et des recettes de l’année 1861. Il avait trouvé que les dépenses totales, en réunissant celles du budget normal et celles du budget extraordinaire, s’élèveraient à 2 milliards 72 millions, et présenteraient sur les ressources régulières un excédant de plus de 200 millions formant un véritable déficit.

On voit que le premier travail du nouveau ministre des finances, que sa première ébauche du budget de 1863 devra ressembler à l’esquisse que traçait il y a six mois l’honorable M. Gouin. M. Fould devra réunir dans le même budget normal toutes les dépenses ; si l’on supposait d’une part que les dépenses seront maintenues en 1863 sur le même pied qu’en 1861, et d’autre part que les sources du revenu, c’est-à-dire les impôts, n’aient pas non plus varié, le ministre, après avoir additionné la colonne de ses dépenses et la colonne de ses recettes, se trouverait en présence d’un solde débiteur d’environ 200 millions. Or, M. Fould étant rentré au pouvoir non-seulement pour liquider l’arriéré, mais pour mettre un terme aux déficit et prévenir l’accroissement des découverts, il est clair qu’il ne lui est pas permis de présenter un budget en déficit. Il faudra donc que le budget de 1863 soit équilibré ou par une réduction de 200 millions sur les dépenses effectuées en 1861 ou par un accroissement de revenu provenant d’une augmentation d’impôts. Il n’y a pas de milieu : ou l’état devra en 1863 dépenser 200 millions de moins, ou les contribuables devront payer 200 millions de plus, à