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sacs à café et à sucre. Après ces arbres, il faut citer l’avocat, dont la poire contient un véritable beurre qui a le goût de la noisette, le let-chi, importé de Chine et dont les fruits parfumés rappellent le raisin muscat, le goyavier, parent du cognassier d’Europe, le badamier au port original, l’évi ou arbre de Cythère, natif de Taïti, ainsi que l’arbre à pain, le figuier des Banians, venu de l’Inde, qui donne une sorte de caoutchouc, le jacquier, dont les fruits aussi gros que des noix de cocos, croissent souvent autour même du tronc, enfin l’attier, qui produit un fruit à la crème odorante, le meilleur des tropiques. À ces arbres se mêlent les lianes aux fleurs multicolores, l’hibiscus ponceau, le grenadier, l’ananas, l’aloès, enfin les rosiers. Tous ces végétaux font des jardins de la colonie comme autant de lieux de délices. On les rassemble d’ordinaire dans une espèce d’atrium parfumé qui précède la varangue, grande galerie ouverte sur le devant de la maison, où l’on fait la sieste le jour, où l’on respire la fraîcheur du soir à la clarté d’un lustre de cristal.

Les autres arbres de la colonie sont également d’essence tropicale. Les bois noirs ont, jusqu’aux jours des grands ouragans, servi d’abri aux plants de cafés. Ils ont depuis disparu avec les caféiers eux-mêmes, ainsi que les girofliers et les muscadiers. Les tamarins, au port majestueux, importés d’Arabie, se retrouvent surtout, comme les filaos ou pins des tropiques, sur les grandes routes ou bien aux abords des lieux habités. Avec eux se rencontrent les flamboyans aux fleurs étincelantes, originaires de Madagascar.

Ce n’est pas seulement la culture du café et des épices qui a disparu de Maurice ; l’exploitation du tabac, du coton, du cacao, du manioc, de l’indigo, que La Bourdonnais y avait à grands frais introduite, a pareillement cessé. La culture de la vanille est loin d’être aussi avancée qu’à Bourbon, où elle a pris depuis quelques années un très vif essor ; celle du bétel est abandonnée aux Indiens immigrés, ainsi que celle des vivres, c’est-à-dire le riz, la pomme de terre, le maïs, les pois du Cap et tous les légumes verts. En revanche, la culture de la canne suit à Maurice, comme aussi à La Réunion, une voie de plus en plus ouverte au progrès. Partout les bois sont défrichés pour faire place au précieux roseau. La hache du bûcheron a pénétré dans les forêts, jusque-là respectées, où le bois de natte, rival de l’acajou et du palissandre, entre lesquels il tient le milieu, offrait au commerce ses précieuses essences. D’autres forêts, où l’on rencontrait à l’état vierge le bois d’olive, le bois de fer, le bois de ronde, le bois blanc, le bois puant, le bois jaune, appellations naïves importées par les premiers créoles, ont également disparu. Il faut aller en Amérique pour trouver une telle rage de défrichement. Partout la canne s’est implantée, et les cerfs et les singes, qui s’étaient