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les anxiétés de tous les Italiens, Rossi restait toujours un inspirateur plein de feu, un conseiller net et prompt auquel on s’adressait dans les heures de crise. Pour le moment, son regard était tourné vers la Lombardie, où il envoyait un de ses fils combattre pour l’indépendance. Il écrivait aussi, dans le printemps de 1848, trois essais, trois fragmens qui n’ont pas vu le jour, et auxquels il donnait le nom de Lettres d’un dilettante de la politique sur l’Allemagne, la France et l’Italie. Chose étrange, cet homme qui affectait l’impassibilité et la froideur, qui était d’une nature dédaigneuse et avait le sentiment du vide des choses, qui se gardait des illusions comme d’un péril, cet homme avait des mouvemens de passion et des élans de poète quand il parlait de son pays. « Vous souvenez-vous, disait-il en commençant ses Lettres sur l’Italie, adressées à une femme anglaise, vous souvenez-vous des vers de votre poète sur le cadavre de la Grèce ? Eh bien ! pour vous, pour moi, pour quiconque a l’amour de la poésie, de la science, de la civilisation, la Grèce et l’Italie sont deux sœurs diverses d’âge, égales de beauté et de gloire. Elles étaient mortes l’une et l’autre ; mais depuis que la première est presque ressuscitée, vous ne pouviez me réciter ces beaux vers sans que notre pensée se tournât douloureusement sur celle qui gisait encore, toujours belle, mais inanimée et froide. Dieu béni ! nous avons donc vu ce sein se gonfler de nouveau du souffle de la vie, ces joues se colorer et ce bras se lever. Et la première action a été un combat, une victoire, un prodige ! Vous femme, vous en avez pleuré d’admiration et de joie ; moi homme, en rira qui voudra, j’en ai pleuré comme vous. »

Ces lettres n’étaient pas cependant l’œuvre d’un poète ; elles étaient l’œuvre d’un politique qui avait l’œil fixé sur les événemens. La pensée de Rossi, c’était de retracer dans sa vérité la situation extraordinaire de la péninsule, de dégager l’idée nationale et libérale, de mettre les Italiens en garde contre les divisions, les discordes, les utopies révolutionnaires, et de concentrer leurs efforts dans l’entreprise unique de l’indépendance. « Tout est aujourd’hui sous la tente de Charles-Albert, disait-il ; rattacher, à la couronne du roi la Lombardie, la Vénétie, Parme et Modène, créer ainsi un fort royaume défenseur, des frontières de l’Italie ; bouclier contre les agressions autrichiennes, vaste et solide base des opérations militaires que l’indépendance nationale réclamé, en cela, et en cela seulement, je vois aujourd’hui le salut de l’Italie septentrionale, la sûreté de l’Italie centrale. Être désunis, divisés de tendances, début, en face de l’ennemi, est une folie. C’est une vérité malheureusement trop vraie ; le canon autrichien l’a mise en pleine lumière à Vicence. : » Que faisait la papauté, et que devait-elle faire dans cette