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du ministre anglais qui proposait l’échange, ou l’ignorance du ministre français qui la refusa. Placées comme deux phares pour guider le navigateur sur la route de l’Inde, la route maritime la plus suivie du globe depuis la découverte du cap de Bonne-Espérance, l’île Maurice et l’île Bourbon sont en effet regardées à plus d’un titre comme deux colonies de premier ordre. L’une, l’île anglaise, munie à l’est et à l’ouest de deux bons ports et d’excellens mouillages, offre dans son intérieur une étendue considérable de terres à défricher, aucune chaîne de montagnes inaccessible. L’autre, l’île de La Réunion, sans ports et presque sans mouillages, présente à la culture une moins grande superficie que l’île voisine, bien qu’un peu plus étendue en surface ; mais le pays est des plus pittoresques, les terres y sont d’une remarquable fertilité, et une végétation toute tropicale orne d’une couronne verte et fleurie la route de ceinture tracée autour du littoral[1]. En somme, l’île de La Réunion n’a rien à envier à sa voisine, à l’île-sœur, comme chacune des colonies nomme l’autre. Nulle jalousie, nulle intrigue ne les divise, et l’île Maurice, sous la domination anglaise, est restée française de cœur. Il est donc juste de réveiller à son endroit les souvenirs un peu endormis de la mère-patrie, et comme leçon d’opposer la politique coloniale de l’Angleterre à celle de la France.


I. — LE PAYS.

Découverte vers le milieu du XVIe siècle par le Portugais Mascarenhas, l’île Maurice reçut de ce navigateur le nom de Cerné. Les Portugais n’occupèrent aucune de ces deux îles ; mais les Hollandais, en 1598, ayant abordé à Cerné, y plantèrent le drapeau de leur nation et appelèrent l’île du nom de Maurice en l’honneur du stathouder de Hollande, le prince Maurice de Nassau. En 1715, la compagnie française des Indes orientales, ayant trouvé le pays abandonné par les Hollandais, résolut de l’occuper. L’île Maurice prit dès lors le nom d’Ile-de-France ; elle fut rétrocédée au roi en 1764 par la compagnie des Indes, dont la guerre avec les Anglais avait considérablement réduit les finances. L’une des époques les plus glorieuses de sa colonisation correspond au milieu du XVIIIe siècle, alors que Mahé de La Bourdonnais, aussi célèbre par ses talens militaires et administratifs que par ses malheurs immérités, gouvernait l’île pour le compte de la compagnie, alors que le naturaliste Poivre allait, au péril de ses jours, rechercher dans les colonies hollandaises de

  1. Voyez sur l’île de La Réunion l’étude publiée dans la Revue du 15 avril 1860.