Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 36.djvu/64

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
60
REVUE DES DEUX MONDES.
BERNARD, debout.

Dieu du ciel, toi qu’es si grand et si fort, des pauv’es gens comme nous autres ça ne sait rien de rien ! mais ça te connaît par ta bonté. J’ai fait un vœu tout à l’heure, qui était de pardonner, même au diable ; mais peut-être bien que le diable c’est une idée que nous avons, et peut-être que l’enfer c’est notre mauvaise tête et notre mauvais cœur ! Que ça soit ça ou autre chose, t’es là pour nous guérir, et tant qu’à pardonner, ce que j’ai fait, t’es pas embarrassé pour le faire !… Grâce, mon bon Dieu, grâce pour l’esprit de la plage !

FRANCINE

Oui, c’était un bon esprit qui voulait faire le mal et qui ne le pouvait pas ! Grâce pour lui, mon Dieu, et pour cette pauvre maison où l’on t’aime !

VOIX DU DRAC, au loin derrière les rochers.

Bonté, lumière,… ô mes ailes d’or, ô mon âme pure, je vous retrouve !

FRANCINE

Ah ! écoutez donc comme la brise de mer chante doux ! on dirait des paroles !

VOIX DU DRAC.

Vague charmante, récifs superbes ! bons pêcheurs,… amis, frères ! fraîcheur du matin, doux réveil ! travail, amour, innocence ! ô liberté ineffable !…

BERNARD.

Est-ce lui qui chante comme ça ?

VOIX DU DRAC.

Bonheur à toutes les créatures ! Francine, bonheur à toi ! Tu m’as rendu mes ailes…

FRANCINE.

Écoutez.

VOIX DU DRAC.

Francine, sois à jamais bénie !

BERNARD.

Ah ! ne craignez plus rien. Mon père, ma femme, nous nous aimerons tant que tous les esprits du ciel et de la terre seront pour nous !

George SAND.