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Kaeso Fabius, celui-là même qui avait prononcé la condamnation de Spurius Cassius, fut le premier à demander la loi agraire, se fit aimer des soldats par ses soins pour les blessés. Dans une bataille, son frère Quintus fut tué ; son autre frère, Marcus, sauta par-dessus le corps de Quintus ; lui et Kaeso entraînèrent l’armée. Les Fabius devinrent populaires à force de gloire. Dès ce moment ils furent odieux aux patriciens. L’espèce d’hérédité qui s’était établie pour eux dans le consulat fut abolie. Toujours suspects aux tribuns, leur situation à Rome n’était plus tenable. Ils résolurent d’en sortir noblement ; ils firent aussi leur sécession, mais sans rien demander que la permission d’aller s’établir à quelque distance de Rome et d’y soutenir à leurs frais la guerre contre les Véiens. Les Fabius étaient Sabins[1] ; un clan sabin pouvait seul compter quatre mille hommes, et quatre mille hommes vinrent s’offrir au sénat pour aller guerroyer contre les Véiens. Dans ces quatre mille hommes, il y avait trois cent six patriciens ; le reste était des cliens. Les Fabius étaient établis sur le Quirinal au moins depuis Tatius ; peut-être l’avaient-ils été d’abord sur l’Aventin. Une tradition les met en rapport avec Remus.

On peut suivre tous les pas des Fabius dans cette brillante aventure qui devait finir si tragiquement pour eux, grâce aux détails dont le récit de Tite-Live, tiré probablement des mémoires de la gens Fabia, est rempli. Les trois cent six patriciens viennent trouver le sénat rassemblé et s’arrêtent à la porte de la curie, là où étaient les sièges des tribuns. Celui des leurs qui était consul entre et parle au nom de tous. Les cliens attendaient dans le Forum. Au nom de sa tribu, Kaeso offre de faire la guerre aux Étrusques de Véies. C’est une guerre de notre gens, dit-il, bellum gentile. En effet, les Fabius avaient été les héros de cette guerre. Le sénat les remercie et ordonne que le lendemain ils se présentent armés à la porte du consul. Tout ce jour-là il ne fut question que de l’offre magnanime des Fabius.

Le jour suivant, ils s’arment et vont se réunir au lieu indiqué, très probablement sur le Quirinal, où devait être la demeure de Kaeso, comme des autres Fabius. Le consul sort portant le paludamentum, manteau de guerre, insigne du commandement militaire, et se met à la tête du clan. Pour aller à Véies, ils ne pouvaient prendre la voie Flaminia (le Corso), qui n’existait pas encore ; mais ils eussent pu en suivre la direction à travers le Champ de Mars et sortir de

  1. C’est l’opinion de Niebuhr et d’Ott. Müller, qui fait remarquer que les génies sabines, les Claudii, les Valerii, les Fabii, jouent un grand rôle à Rome après l’expulsion des Tarquins. Les Fabii ont leur sacra sur le Quirinal, où furent plusieurs temples consacrés à des divinités sabines. Les surnoms usités dans cette gens ont une physionomie sabine très marquée.