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Fosses-Cluiliennes étaient la frontière très rapprochée de l’état romain, et, si les Volsques n’étaient pas repoussés, allaient le redevenir. Denys d’Halicarnasse dit que les Volsques, par le conseil de Tullus, épargnaient les terres des patriciens, pour les rendre suspects aux plébéiens. Ce pouvait être aussi un ordre de Coriolan, qui ménageait ses alliés naturels, ceux qui avaient soutenu sa cause, et ne voulait frapper que ses ennemis.

À l’approche de Coriolan victorieux, une grande terreur remplit la ville. Les plébéiens accourent au Forum, appellent les sénateurs dans la curie, et leur enjoignent de rappeler Coriolan, dont eux-mêmes avaient prononcé le bannissement. C’est bien l’emportement mobile et impérieux de toutes les multitudes. Les Romains envoient une députation à Coriolan. Le sénat consentait à rendre aux Volsques les villes qu’on avait prises sur eux, mais exigeait que Coriolan se retirât. Coriolan répondit par un refus superbe, mêlé d’invectives à son propre sujet ; puis il alla prendre sept villes nouvelles aux Latins. Le fier Sabin montrait ainsi à la fois ses sympathies pour une nation sabellique et son antipathie pour les populations latines. Bientôt il revint camper près de Rome, à moins de quatre milles (environ une lieue). On envoya vers Coriolan les prêtres, les augures ; mais il fut inflexible. Alors les femmes romaines ou plutôt les femmes sabines sauvèrent encore une fois la patrie en allant supplier Coriolan, comme elles avaient supplié Tatius. Une Sabine, une Valeria, la sœur de Publicola, quitte le Capitole et l’autel de Jupiter, au pied duquel, avec les autres matrones, elle suppliait les dieux[1]. Elle se rend à la demeure de Coriolan, entre dans l’appartement des femmes, où étaient la mère et l’épouse du banni, de race sabine comme lui ; elle les décide à se rendre auprès de Coriolan pour tenter de le fléchir. Le sénat approuve cette résolution, et les patriciens font cortège aux matrones jusqu’à la porte Capène ; puis celles-ci, tournant à gauche, prennent la voie Latine et s’avancent seules, à travers la plaine, jusqu’au camp de Coriolan, à quatre milles de Rome. L’apparition de ces femmes touche d’abord très peu Coriolan. Contre tout ce qui vient de Rome il a endurci son cœur ; mais on lui dit qu’on a vu au milieu d’elles sa vieille mère et sa jeune femme tenant ses deux enfans par la main. Coriolan s’avance au-devant de sa mère, fait, en signe de respect, ôter les haches des faisceaux et abaisser les faisceaux devant elle.

Véturie, que je me représente comme une de ces vieilles femmes

  1. Denys d’Halicarnasse suppose que Valeria monta sur lu base du temple de Jupiter, et de la harangua ses compagnes ; mais ce détail invraisemblable et peu conforme aux mœurs romaines a été évidemment ajouté par Denys pour amener le discours qu’il voulait mettre dans la bouche de Valeria.