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nettement sur la surface transparente de la mer. Trois des explorateurs seulement étaient arrivés au sommet, le colonel Smythe, MM. Pritchard et Seeman. Kuruduadua et M. Waterhouse étaient restés à Namusi, et Danford avait fait halte à mi-chemin. Les guides indigènes allumèrent des feux pour instruire Namusi du succès de l’ascension, et ils emplirent les corbeilles de plantes rares, tandis que les Européens relevaient à la boussole les points les plus importans. De retour à Namusi, M. Seeman va nous introduire daris une assemblée politique de Vitiens et réunir des notions neuves sur l’affreuse pratique des repas de chair humaine.


III

Pour donner aux étrangers une haute opinion de sa puissance, et peut-être aussi pour traiter des questions pendantes avec eux, Kuruduadua avait convoqué les chefs placés sous sa dépendance et les plus riches propriétaires des territoires de sa domination. Une foule considérable d’hommes, de femmes et d’enfans étaient venus des environs. La réunion eut lieu en plein jour, par un beau temps, sur une grande place, à l’ombre des cocotiers et des orangers, au bord de la rivière et devant le mburé de Namusi. Quand l’ouverture de la séance eut été signifiée, tout le peuple s’assit, à l’exception des femmes et des enfans, qui s’écartèrent avec respect. Cette assemblée, composée d’hommes nus et d’un aspect farouche, présentait le plus singulier spectacle. Les visages, passant par toutes les teintes du noir au rouge jaunâtre, étaient zébrés de lignes et tatoués de dessins divers ; mais ce qui surtout présentait un aspect étrange, c’étaient les chevelures, les unes crêpées en ballon, les autres symétriquement roulées, plusieurs rougies par des infusions d’huile de coco. Les ornemens consistaient en bracelets et en colliers de coquillages, de dents de poissons, de dents de porcs, quelquefois de dents humaines. De tous les colliers, le plus prisé, c’est celui de dents de. cachalot taillées en poires. Les dents de cachalot sont l’objet le plus recherché des indigènes, celui que, dans leurs échanges, ils prennent le plus volontiers et qu’ils paient le plus cher. Tous ces hommes avaient le cartilage de l’oreille percé d’un trou, et ne portaient d’autre vêtement que le maro ; leurs corps étaient couverts de tatouages consistant en brûlures et en incisions qui produisent des coutures en relief.

Kuruduadua avait pris place sur les degrés d’un petit escalier conduisant à la porte du mburé. Il portait un turban de tapa blanc comme neige et une ceinture pourpre de même étoffe avec deux bandes traînant à terre. À sa droite étaient assis ses frères et ses