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femmes et les enfans, dépasse aujourd’hui deux cents. L’annexion anglaise a pour résultat de les faire entrer sous la domination immédiate de la Grande-Bretagne. Ils fournissent à ses bâtimens des interprètes et des pilotes pour la difficile navigation de l’archipel.

À Ovalou, M. Seeman trouva le consul anglais, M. Pritchard, et tous deux passèrent sur la grande terre pour en étudier diverses parties, vierges encore de toute exploration. En juillet 1860, ils descendirent à Mbau, qui est la ville principale des états du tui Takombau ; elle est composée de quelques centaines de huttes, bâties sur un îlot très voisin de la côte. Les maisons fidjiennes ne sont pas de mauvaise construction : elles ont de la solidité et quelquefois dans les détails une certaine élégance ; de plus, elles sont tenues proprement, ce qui est bien rare chez les sauvages. Des nattes servent de siège et de lit ; on y voit des poteries d’une fabrication vraiment remarquable, de toutes formes, de toutes dimensions, couvertes d’un vernis ; il y a aussi des plats en bois sculpté. Le long du mur de la case, des armes sont suspendues, lance, arc, flèches, quelquefois un fusil de vieux modèle. Les casse-tête sont de deux formes, grands et petits ; ces derniers ne sont pas les moins redoutables : ils n’ont pas plus de 40 centimètres de long, sont faits d’un bois très dur, arrondis à une extrémité, pointus à l’autre, et souvent enrichis de sculptures et d’ornemens. On voit quelquefois aussi dans un coin de la hutte des instrumens de musique, des tambours faits d’un tronc d’arbre couvert d’une peau de requin, et des flûtes, bambous longs de dix-huit pouces, ayant un diamètre d’un pouce et demi, et percés de trois ou cinq trous. Le musicien applique l’embouchure de cet instrument sous les narines, et en tire un son doux avec quelques modulations peu variées.

Jusqu’en 1854, Mbau, qui possède aujourd’hui un vaste établissement religieux, se montra rebelle aux efforts des missionnaires, et les fours dans lesquels on cuisait les victimes humaines ne refroidissaient pas. Aucun missionnaire ne fut mangé, mais beaucoup sont morts victimes de leur zèle et de leurs fatigues. Depuis cette époque, de meilleurs succès ont récompensé leur persévérance ; ils ont réussi à faire adopter le christianisme au chef Takombau après de longues hésitations de sa part. Cet exemple a trouvé beaucoup d’imitateurs ; les autels élevés aux génies sont alors tombés. À peu de distance de la ville, dans un endroit retiré, s’élevaient quatre murs surmontés d’un toit et enveloppés de plantes grimpantes : c’était l’abattoir des victimes humaines. Un temple l’a remplacé, et le soir, au dehors des cases indigènes, on entend des prières et des hymnes chantés en chœur.