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temps qu’il passa dans cette île pour en explorer les hauteurs. La femme du chef de Somosomo, qui l’avait reçu amicalement, voulut, pour lui faire honneur, l’accompagner dans cette excursion avec les femmes de son entourage. Au point du jour, une troupe de beautés indigènes se trouva donc réunie au bord d’un petit cours d’eau d’où partait l’expédition. Leur costume était des plus simples : la reine portait autour des hanches une pièce de calicot blanc, sur la tête des feuilles fraîches de fougère, des roses de Chine dans des trous percés aux oreilles, des colliers et des bracelets de coquillages. Ses compagnes s’étaient dispensées du calicot, et n’étaient vêtues que de feuilles fraîches de cocotiers et de bananiers.

Les femmes vitiennes sont de taille moyenne et bien faites ; mais elles sont loin, pour la figure, de la beauté régulière et gracieuse des Polynésiennes de Nouka-Hiva et de Taïti. Elles ont plus de retenue que celles-ci, et ne se livrent pas aussi facilement aux étrangers. En général, le christianisme amène sur les points où il s’est établi quelques améliorations, au moins extérieures, dans les mœurs. Dans une île des Samoa, archipel voisin des Viti, les missionnaires ont eu l’ingénieuse idée de conserver les pratiques d’interdiction que l’on appelle en Océanie tabou et de les appliquer à la personne des femmes, en sorte qu’elles répondaient, en repoussant les avances des matelots : « Tabou ! tabou ! » ce qui signifie : il ne faut pas toucher ; mais en même temps elles leur désignaient avec complaisance une tribu voisine dont les femmes, n’étant pas encore chrétiennes, n’ont pas les mêmes causes de retenue. Les Vitiennes vont nues jusqu’à ce qu’elles soient nubiles ; elles prennent alors une ceinture en fil de coco ou en tissu d’hibiscus qui ne couvre qu’une bande étroite du corps. De même, les hommes ne se couvrent du maro qu’à l’âge de puberté. La polygamie est en pleine vigueur dans les populations de l’archipel qui n’ont pas encore adopté le christianisme, et certains chefs ont un très grand nombre de femmes ; mais en général les gens de condition médiocre, appartenant aux classes de cultivateurs, d’industriels et de pêcheurs, n’ont qu’une femme, et ils ont souvent des dispositions remarquables à la vie de famille. Il a été longtemps d’usage de tuer les femmes sur la fosse de leurs maris. Cet usage était encore en vigueur en 1856 dans le district de Soloira, sur le cours supérieur de la rivière Rewa. De même aussi on faisait périr les gens accablés par l’âge et ceux qui étaient atteints de maladies réputées incurables ; mais ces pratiques tendent chaque jour davantage à s’effacer sous l’influence de l’éducation nouvelle. La condition des femmes ne semble pas malheureuse, car elles sont gaies, et on les entend souvent rire et causer quand elles sont réunies.