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REVUE DES DEUX MONDES.

BERNARD.

Ça y est. Mais toi ?

FRANCINE.

Moi, je vas expliquer tout ça à mon père et le faire revenir de sa colère. Et puis j’irai chercher le capelan. Je lui ferai bénir la maison et le sentier, car pour sûr elle est hantée, notre pauv’maison ! Et quand tout ça sera fait, quand je n’aurai plus peur de rien, je mettrai le mouchoir blanc où tu m’as dit de le mettre. Va vite ! J’entends mon père qui remonte du rivage.

BERNARD.

Dis-moi encore que tu n’aimes que moi !

FRANCINE.

Je n’aime que toi il sort.


Scène VI.

FRANCINE, seule, au fond, regardant du côté du rivage.

C’est pas mon père,… c’est ce méchant drac ! C’est lui qui veut amener le malheur chez nous ! Quoi faire contre lui ? Prier le bon Dieu ; oui, il n’y a que ça. Elle s’agenouille.


Scène VII.

FRANCINE, LE DRAC.
LE DRAC, agité.

Que fais-tu là, Francine ? Ôte-toi de là !

FRANCINE.

Non ; je demande du secours contre toi, et j’en aurai !

LE DRAC.

À qui demandes-tu secours ?

FRANCINE.

À celui que tu ne connais pas.

LE DRAC.

Si, je le connais… Je le connaissais du moins avant d’être homme, car dans toute la nature il n’y a que l’homme qui ose et qui sache nier Dieu !

FRANCINE, se levant.

Tu dis son nom, et il ne te brûle pas la langue ? Tu n’es donc pas…

LE DRAC.

Non, je ne suis pas l’esprit du mal. Cet esprit —là, Francine, n’existe que dans l’imagination de tes semblables.

FRANCINE.

Et pourquoi est-il dans ton cœur ?