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qui, sans être contraint par aucune nécessité, ni tenu par aucune loi ou par aucun contrat préalable, ni conduit par des raisons extérieures, ni engagé par nos mérites, ni fatigué par nos importunités, ni poussé par les passions importunes de la pitié, de la honte et de la crainte, comme nous avons coutume de l’être, ni flatté par des promesses de récompense, ni séduit par l’attente de quelque avantage qui pourrait lui revenir, mais étant maître absolu de ses propres actions, seul législateur, et conseiller de lui-même, se suffisant, et incapable de recevoir un accroissement quelconque de son parfait bonheur, tout volontairement et librement, par pure bonté et générosité, se fait notre ami et notre bienfaiteur, prévient non-seulement nos désirs, mais encore nos idées, surpasse non-seulement nos mérites, mais nos désirs et même nos imaginations, par un épanchement de bienfaits que nul prix ne peut égaler, que nulle reconnaissance ne peut payer, n’ayant d’autre objet en nous les conférant que notre bien effectif et notre félicité, notre profit et notre avantage, notre plaisir et notre contentement. »

La force du zèle et le manque de goût, tels sont les traits communs à toute cette éloquence. Quittons ce mathématicien, homme de cabinet, homme antique, qui prouve trop et s’acharne, et voyons parmi les gens du monde celui qu’on appelait « le plus spirituel » des ecclésiastiques, Robert South, homme aussi différent de Barrow par son caractère et sa vie que par ses œuvres et son esprit, tout armé en guerre, royaliste passionné, partisan du droit divin et de l’obéissance passive, controversiste acrimonieux, diffamateur des dissidens, adversaire de l’acte de tolérance, et qui ne refusa jamais à ses inimitiés la licence d’une injure ou d’un mot cru. À côté de lui, le père Bridaine, qui nous sembla si rude, était poli. Ses sermons ont l’air d’une conversation, d’une conversation du temps, et vous savez de quel style on causait à ce moment en Angleterre. Il n’y a point d’image populaire et passionnée dont il ait peur. Il expose les petits faits vulgaires avec leurs détails bas et frappans. Il ose toujours, il ne se gêne jamais ; il est peuple. Il a le style de l’anecdote, saillant, brusque, avec les changemens de ton, les gestes énergiques, bouffons et toutes les originalités, les violences et les témérités. Il ricane en chaire, il invective, il se fait mime et comédien. Il peint les gens comme s’il les avait sous les yeux. Le public les reconnaîtra dans la rue ; il n’y a plus qu’à écrire des noms sous ses portraits. Lisez ce morceau sur les tartufes. « Supposez un homme infiniment ambitieux et également rancunier et malicieux, quelqu’un qui empoisonne les oreilles des grands par des chuchotemens venimeux et s’élève par la chute de gens qui valent mieux que lui. Pourtant, s’il s’avance avec une mine de vendredi et une face