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bienfaits de la paix étaient compromis par l’extension indéfinie donnée à la dette flottante, et par de petits emprunts empiriques qui avaient le double inconvénient de laisser voir une gêne humiliante pour les finances d’un grand pays tel que la France et de ne point pourvoir aux embarras d’une façon large et décisive. Dans sa gestion financière, un gouvernement comme le nôtre, qu’il le veuille ou non, exerce toujours sur l’ensemble et le moral des affaires de finance, de commerce et d’industrie, une influence certaine. L’état n’est-il pas en effet le plus grand banquier, le plus grand entrepreneur d’industrie, le plus grand négociant du pays ? Ne sommes-nous pas tous, à ce point de vue, ses actionnaires ? S’il y a incertitude, inconséquence, maladresse dans la direction des finances publiques, il est impossible que les affaires privées ne s’en ressentent, et que peu à peu la confiance, le crédit, ce grand levier de l’activité et de la prospérité générale, ne s’altère dans tous les étages de la société. Qu’au milieu d’un tel état de choses survienne un de ces accidens qui échappent à la prévoyance et à la puissance des gouvernemens les plus sages et les plus forts, et l’on peut se trouver plongé soudainement dans une de ces crises calamiteuses où s’usent les prestiges politiques les mieux établis. Était-on exposé à en arriver là ? On s’irritait contre nous quand avec une sincérité consciencieuse, avec la modération polie que nous apportons dans la discussion des affaires du pays, nous signalions ce péril, dénoncé partout autour de nous par les hommes les plus expérimentés et les plus compétens en matière de finance et d’industrie. Aujourd’hui le rapport de M. Fould vient confirmer nos appréciations. « L’état du crédit, ce sont les paroles du nouveau ministre, doit d’autant plus attirer l’attention de l’empereur que la situation des finances préoccupe tous les esprits. Lors de la dernière discussion du budget, on calculait que les découverts devaient s’élever, à la fin de l’année, à près d’un milliard, et ce chiffre n’est certainement point exagéré. Le corps législatif et le sénat ont déjà exprimé leur inquiétude à ce sujet. Ce sentiment a pénétré dans la classe des hommes d’affaires, qui tous présagent et annoncent une crise d’autant plus grave qu’à l’exemple de l’état, et dans un but d’amélioration et de progrès peut-être trop précipités, les départemens, les villes et les compagnies particulières se sont lancés dans des dépenses très considérables. » On le voit, nous avons dit un mois trop tôt ce que pensaient tous les hommes d’affaires, ce que le gouvernement affirme aujourd’hui avec une éclatante conviction.

Les choses en étaient venues à ce point que, pour relever le moral des finances françaises, il était nécessaire que le gouvernement non-seulement prît la résolution de s’appliquer à la conduite des finances et de faire rentrer dans les voies régulières l’ordonnancement des dépenses, mais encore donnât un gage positif et incontestable de la fermeté de ses desseins à cet égard. Le mérite de M. Fould est d’avoir vu où était cette garantie nécessaire sur laquelle pourrait se raffermir la confiance publique. Le mérite de