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et il n’est pas douteux que la Hongrie ne puisse, en attendant la récolte de 1862, mettre à la disposition de l’étranger 9 ou 10 millions d’hectolitres au moins de céréales de toute sorte. Néanmoins cette possibilité de production ne résout encore que la moitié du problème ; les céréales de la Hongrie pourront-elles arriver sur les marchés d’échange à des prix tels que les pays étrangers qui ont des besoins constans puissent régulièrement s’y fournir, comme ils l’ont fait jusqu’à ce jour dans le Bas-Danube et la Mer-Noire ? Nous l’avons dit déjà, l’Allemagne a été jusqu’ici à peu près le seul acheteur étranger des blés hongrois ; quelques envois ont bien été faits en Angleterre par la voie de l’Elbe, de Hambourg ou de Stettin ; mais ces transactions exceptionnelles ne sauraient être considérées comme les prémisses d’un commerce régulier : le transport par chemin de fer de la Hongrie aux ports de la Baltique est trop coûteux ; la voie de l’Elbe, où les frais sont un peu moindres, est trop irrégulière, et même très souvent impossible aux époques de l’année où l’exportation serait précisément la plus active. Désormais il n’en sera plus ainsi : les routes sur l’Adriatique sont ouvertes ; le midi de la France, la Belgique, l’Angleterre surtout, vont offrir aux céréales de la Hongrie des débouchés permanens. Trieste va devenir le grand marché d’exportation, et l’on peut admettre que, sauf quelques circonstances exceptionnelles, les prix de l’Angleterre doivent devenir les véritables régulateurs des marchés de Trieste et de l’intérieur. Cet état d’équilibre ne sera sans doute pas atteint sans lutte ; le producteur hongrois n’est pas plus désintéressé que les autres, et s’il pense qu’on ait besoin de lui, il pourra bien souvent élever ses prétentions, de telle sorte que l’exportation devienne impossible pendant quelques semaines ou quelques mois, jusqu’à ce que le besoin de vendre abaisse le prix à une limite raisonnable. En ce moment par exemple, l’exportation des blés hongrois en Angleterre serait impossible, parce que les demandes du Rhin, de l’est de la France et de l’Italie, arrivant à la fois, ont amené dans les prix un mouvement de hausse exagéré ; mais ce n’est là qu’une exception, et il n’arrivera peut-être pas une seconde fois d’ici à dix années que l’Italie, le nord-est de la France et les provinces rhénanes aient à la fois besoin de recourir aux céréales de l’Autriche. Si la Hongrie ne devait compter, pour la vente de ses excédans de blés, que sur des pays comme ceux-là, où l’insuffisance n’est qu’accidentelle, un mouvement comme celui de cette année serait peut-être plutôt un malheur qu’un bienfait. La production, surexcitée comme elle l’a été à la suite des années 1855 et 1856, n’aurait à attendre, comme à cette époque, que d’amères déceptions ; mais il ne peut plus en être ainsi aujourd’hui. Le Piémont, le midi de la France, l’Angleterre, sont des acheteurs permanens, et la Hongrie peut maintenant, grâce aux nouvelles voies de communication, ouvrir avec ces divers marchés des relations que le temps ne fera que développer. Si nous disons que les prix de l’Angleterre doivent devenir les régulateurs des prix de la Hongrie, c’est que les besoins