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à Odessa. Toutefois il ne faudrait point conclure de là que l’importation en France des blés de la Hongrie puisse donner raison aux craintes des partisans du système de protection, et avoir pour effet un avilissement de prix des blés indigènes. Le fantôme qu’on s’est plu à évoquer pour les besoins de la cause ne viendra pas plus des bords du Danube que de ceux de la Mer-Noire : les fromens de Hongrie, supérieurs, il est vrai, en qualité à ceux de la Russie, ne pourront en temps ordinaire arriver sur le marché de Marseille à un prix moyen sensiblement inférieur à 20 francs l’hectolitre.

Quelle est aujourd’hui la production de la Hongrie ? Quel est l’excédant disponible après le prélèvement nécessaire pour les semences et la consommation locale ? Quelle progression pourrait suivre, en face d’une demande régulière, le chiffre de cet excédant ? Quelles ont été jusqu’ici les conditions de l’exportation, et quelles directions a-t-elle suivies ? Pourquoi le mouvement sur Trieste et la Méditerranée a-t-il été jusqu’à ce jour aussi insignifiant, et quels changemens les nouvelles voies de communication récemment ouvertes ou à la veille de s’ouvrir doivent-elles apporter dans la marche de ce grand courant ? Dans quelles conditions enfin de prix et de temps les céréales de la Hongrie pourront-elles désormais arriver sur les divers marchés de la Haute-Italie, de la Suisse, de la France et de l’Angleterre ? Telles sont les questions que nous allons successivement aborder.

Qu’on jette un coup d’œil sur la carte. Le Danube est la principale artère de la Hongrie, qu’il traverse dans la direction générale du nord-ouest au sud-est. De la frontière autrichienne, près de Presbourg, jusqu’à la frontière valaque, à Orsova, le développement du grand fleuve sur le sol hongrois est de 990 kilomètres. Les trois principaux affluens du Danube sont, sur la rive gauche, la Theiss, que les bateaux à vapeur desservent, de Nameny à Zittel, sur un parcours de 1,200 kilomètres. En amont de Nameny, la navigation par bateaux ordinaires est encore possible sur une longueur d’environ 100 kilomètres. Sur la rive droite se présentent la Drave et la Save. La Drave n’est aujourd’hui navigable que sur une faible longueur à partir de son embouchure dans le Danube ; mais pour rendre possible une navigation régulière et économique jusqu’à Kottori, point de jonction avec le chemin de fer de Pesth à Trieste, il ne faut que nettoyer le lit de la rivière des troncs d’arbres arrachés depuis des siècles aux forêts, presque vierges encore, qui bordent ses rives. Les travaux nécessaires sont en cours d’exécution, et seront probablement terminés en 1862, grâce au concours des propriétaires riverains, réunis en syndicat, qui n’ont pas hésité à faire les avances indispensables pour obtenir le plus promptement possible un résultat dont les conséquences au point de vue de leurs propres intérêts sont à peu près incalculables. On peut compter qu’au printemps de 1862 au plus tard les bateaux à vapeur parcourront la Drave, du Danube au chemin de fer, sur une longueur de 190 kilomètres.

La Save est depuis longtemps débarrassée des obstacles qui encombrent