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REVUE DES DEUX MONDES.


pis ! Faut être honnête homme et vrai ami avant tout ; faut lui rendre sa parole, faut pas l’empêcher d’être heureuse,… heureuse avec un autre !… il cache sa figure dans son mouchoir.

LE DRAC, à part.

Quoi ! je ne peux le pousser ni au désespoir, ni à la vengeance ! Quelle puissance l’arme ainsi contre moi ? Qu’y a-t-il donc de si fort dans le cœur de l’homme ?

BERNARD, essuyant ses yeux.

Allons, c’est dit, c’est décidé, je ferai mon devoir. Je vas lui parler devant son père, lui faire mes adieux… Ôte-toi de là, petit ! Le drac est allé se placer contre la porte par où sont sortis André et Francine.

LE DRAC.

Non, écoute ! Francine t’accuse, mais son père résiste, Il dit que tu es riche.

BERNARD.

Moi ? mais non !

LE DRAC, écoutant toujours.

Il le croit ! D’ailleurs tu es décoré. Sa vanité en est flattée. Il forcera Francine à t’épouser.

BERNARD.

La forcer ! non, non ! je suis là ; ôte-toi donc que j’aille leur dire…

LE DRAC, le ramenant sur le milieu de la scène.

Qu’est-ce que tu leur diras ? Que tu te soumets, que tu renonces…

BERNARD.

Oui.

LE DRAC.

Eh bien ! le vieux battra sa fille ; il la tuera peut-être !

BERNARD.

Qu’est-ce que tu dis ? Il n’est pas capable de ça !

LE DRAC.

Il y a longtemps que tu ne l’avais vu ? Il est devenu presque fou.

BERNARD.

Ah ! c’est donc ça que tout à l’heure…

LE DRAC.

D’ailleurs Francine est craintive ; elle cédera, elle t’épousera,… et elle te trompera !

BERNARD.

Non, Francine n’a qu’une parole.

LE DRAC.

Alors elle mourra de chagrin.

BERNARD.

Ah ! voilà le pire ! Comment donc faire ?