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beau jardin l’architecture et la nature. Il y a trop d’architecture à Versailles et pas assez de nature ; de là, au sein de la grandeur même, quelque chose de raide, de guindé, de compassé. Au contraire, dans le siècle suivant, au Raincy, à Ermenonville, à Moulin-Joly, on abusa étrangement de l’imitation de la nature, et il faut convenir que le réaliste Kent, plantant des arbres morts dans les jardins de Kensington par amour pour la parfaite fidélité, était aussi loin de la vérité que Le Nôtre imposant aux arbres de Marly et du Grand-Trianon les formes de la géométrie. C’est en Italie, c’est à la villa Pamfili, à la villa Serbelloni, à l’Isola-Bella, mieux encore à l’Isola-Madre, qu’il faut demander des modèles à peu près accomplis, où, au sein d’un paysage artificiel marié avec adresse au paysage environnant, se fondent et s’unissent la grâce de la nature et la grandeur de l’art.

Tout ce chapitre sur l’art des jardins est tracé du pinceau le plus délicat : on y sent un homme qui a observé la nature et qui l’aime ; mais c’est surtout quand M. Lévêque parle des fleurs qu’il est heureusement inspiré, et que son style se pare de toutes les grâces de ses modèles. Je pourrais citer de charmantes descriptions de la rose, du lis, du pavot ; j’aime mieux emprunter quelques traits à la peinture du dahlia, parce que j’y trouve une occasion de décrire à mon tour l’impression que me fait éprouver le talent du peintre. Ce talent est des plus rares. Son caractère distinctif est l’élégance, une élégance soutenue, aimable, souriante, un peu coquette, aimant les ornemens, mais sachant les assortir avec un goût parfait. Sa phrase, quelquefois un peu longue, déroule avec ampleur ses membres habilement cadencés. On devine que l’auteur est musicien. Il excelle à développer une idée et à la ramener sans monotonie, comme un motif bien-aimé, sous les formes les plus variées, avec une abondance inépuisable. En un mot, l’art de l’auteur est un art consommé, peut-être même a-t-il trop d’art ; un peu moins d’effort, un peu plus de naturel, et la critique serait désarmée. Ceci me ramène au dahlia. « Le dahlia magnifique, dit l’auteur, serait peut-être au pavot et aux autres fleurs un rival redoutable ; mais quoi ! il est d’une trop exacte géométrie, et sa toilette rigoureusement soignée laisse à désirer un peu de négligence et quelque abandon. » A mon tour, je dirais volontiers à M. Lévêque qu’il manque peu de chose à son style pour rivaliser avec les plus beaux styles par la pureté, l’élégance et l’harmonie. Qu’y manque-t-il donc ? Ce que l’auteur regrette dans le dahlia.

Je laisse à de plus compétens le soin d’apprécier les chapitres qui suivent, sur la sculpture, la peinture et la musique. J’oserai dire pourtant, après tout ce qui a été écrit sur la Transfiguration et sur