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vie de philosophe, comme la vie de Socrate, enfin un beau morceau de musique, la symphonie en la majeur de Beethoven. Dans tous ces beaux objets, M. Lévêque retrouve un par un ses huit traits élémentaires.

Avant de lui faire des querelles plus sérieuses, je le prierai en grâce de rayer de sa liste le caractère numéro 6, qu’il appelle la vivacité normale de la couleur. En admettant qu’il y ait sous cette formule une idée claire et précise, comment comprendre que ce trait de beauté se rencontre ailleurs que dans un objet matériel et visible ? Déjà il est assez difficile de se figurer ce que peut être la couleur dans un objet qui ne s’adresse pas à la vue, mais à l’ouïe, comme un beau concert. L’auteur se tire de ce premier mauvais pas à l’aide d’une métaphore. Il vante le coloris musical de Beethoven, le charme et le velouté de ses demi-teintes. Passons-lui cela. Mais comment trouvera-t-il de la couleur dans la tendresse naissante d’une belle âme d’enfant ? Dans le corps charmant de l’enfant divin, j’y consens, mais dans le mouvement de tendresse naïve qui le fait presser les genoux de sa mère, où est la couleur, je vous prie ? M. Lévêque appelle une seconde fois la métaphore à son secours. « La puissance d’aimer, dit-il, est dans Jésus ardente et vive ; elle éclate comme un chaud rayon du soleil. » On sourit de cette échappatoire ; mais que dire quand l’auteur prétend trouver de la couleur dans le dévouement de Socrate ? « L’ardeur que met Socrate, dit-il, à accomplir son devoir fait briller son amitié pour Alcibiade de l’éclat le plus vif. » Que peut-on répondre à cela ? Le mot de Paul-Louis Courier : « Grand Dieu ! préservez-nous de la métaphore ! »

Passons à un débat plus sérieux. Je demande ce que c’est, dans un lis ou ailleurs, que la pleine grandeur de l’espèce ? Suivant l’auteur, il suffit d’avoir vu une demi-douzaine de lis pour savoir une fois pour toutes quelle est cette pleine grandeur. Je ne suis indifférent ni pour le lis, ni pour toute autre belle (leur ; mais je déclare, la main sur la conscience, que j’ignore absolument quelle taille doit avoir un lis pour être beau. J’avoue même que l’idée ne me serait pas venue, en présence d’une jolie fleur, d’en évaluer la beauté en centimètres. L’auteur m’assure que les lis qu’on voit dans un jardin suscitent dans l’esprit l’idée d’un lis invisible qui est le type de l’espèce. Encore ici j’affirme que j’ai beau chercher dans mon esprit le type idéal du lis ; je ne l’y trouve point, pas plus que le type idéal de la tulipe ou du jasmin. De quelle couleur est le lis idéal ? Éclatant de blancheur, dira M. Lévêque. Il y a pourtant des lis jaunes et qui ne sont pas à dédaigner. Je serais curieux de savoir la couleur de la tulipe idéale. Qui ne sait combien elle offre de mélanges et de variétés ? Faudra-t-il croire que chaque variété de la