Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 36.djvu/369

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

phénomène et une substance qui sont les analogues du mesmérisme, l’hypnotisme et le chloroforme.

Les romans et les livres de science ont décrit avec une exactitude diverse les opérations de Mesmer et leurs singuliers effets ; mais nul savant, nul romancier n’a exagéré ni l’enthousiasme qu’il inspirait, ni les effets merveilleux, ni l’originalité de ses opérations, ni le nombre, la noblesse, la distinction de ses cliens. Mesmer était établi dans un bel hôtel situé à l’endroit où, au milieu de jardins, se trouvait déjà la place Vendôme. Au milieu d’un beau salon mal éclairé était un grand baquet de bois couvert d’où sortaient des tiges de fer recourbées à hauteur d’appui. À l’heure de la séance, les malades ou les curieux s’asseyaient en cercle, tenant chacun une de ces tiges entre leurs mains, et regardaient attentivement le mystérieux baquet. Aux sons d’une musique tantôt douce, tantôt animée, ordinairement mélancolique, Mesmer se promenait, dispersant à droite et à gauche le fluide avec une baguette de fer ou de verre. Les hommes n’éprouvaient rien ou peu de chose, immédiatement du moins, et plusieurs sortaient guéris ; quelques-uns tombaient en extase. Toutes ou presque toutes les femmes s’endormaient, les unes tranquilles, les autres en convulsion. Elles étaient aussitôt portées dans la salle des crises, où Mesmer pénétrait seul, et dont on a beaucoup médit. C’est probablement une pure calomnie, car nulle d’elles ne s’est plainte, et toutes y retournaient.

La vogue de Mesmer dura plusieurs années. Il occupa le public par des leçons publiques, par ses querelles avec ses associés, par ses lettres à la reine, par sa liaison avec le médecin Deslon. Il vendit à une société 400,000 fr. un secret sans doute imaginaire. Déjà ses rivaux, sans comprendre mieux que lui, obtenaient les mêmes résultats. Enfin un rapport très sévère sur la doctrine et ses applications fut présenté au roi, signé par Lavoisier et Franklin, et rédigé par Bailly. Mesmer alors quitta Paris pour y revenir sans éclat en 1793, le jour même où Bailly montait sur l’échafaud. Il est mort en Suisse le 15 mai 1815, n’ayant rien de commun avec les hommes de génie, qu’il se vantait de surpasser.

Aux yeux de Mesmer, le baquet, la limaille de fer, les tiges et les organisations qu’elles mettent en communication impriment le mouvement à un fluide particulier et invisible qu’il croit répandu dans l’univers. Ce fluide affecte les êtres vivans en s’insinuant dans la substance des nerfs, et il est non pas identique, mais analogue au fluide de l’aimant. De même qu’un barreau de fer aimanté agit à distance sur le fer doux, de même l’action et la vertu du magnétisme animal peuvent passer d’un corps à un autre, animé ou inanimé, sans nul contact ni intermédiaire. Il peut s’accumuler dans le corps humain et y produire des effets salutaires. C’est là ce que