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le respect, la crainte, interdisaient toute recherche et tout soupçon. On devine tout ce que ces sciences inconnues renfermaient de miracles.

À la physique se joignaient d’autres connaissances qui étaient aussi le partage d’un petit nombre. Même alors on était souvent malade sans mourir, et le magicien ou le dieu qui cent fois avait promis et sans doute assuré la guérison par son pouvoir ne se trompait qu’une seule fois, le jour de la mort. Une erreur unique ne pouvait nuire à tant de justes oracles. Les temples d’ailleurs étaient souvent les écoles de médecine, et l’on prévoyait sans magie le sort du malade. Aux pratiques mystérieuses, aux prières, aux invocations, on ajoutait un remède qui passait pour sacré, et dont les propriétés naturelles étaient la cause véritable de la guérison. Les prêtres savaient en météorologie ce qu’on en a su de tout temps, c’est-à-dire fort peu de chose ; mais ils arrivaient à prédire le temps, ce qui équivaut à lui commander : de même pour les éclipses et tous les mouvemens des astres, de même pour la plupart des phénomènes naturels qui sont périodiques. Les Égyptiens surtout étaient habiles dans cette science ; la renommée, le pouvoir de leurs magiciens étaient tels que Moïse ne dédaigna pas d’entrer en lutte avec eux, de les vaincre sur leur propre terrain, et de prédire des épizooties, la coloration rouge des eaux du Nil, l’invasion des sauterelles ; Peut-être, dans quelques contrées, savait-on soutirer l’électricité des nuages et foudroyer les ennemis ou les incrédules. Zoroastre a certainement usé de ce moyen pour allumer le feu sacré.

Le premier faiseur de miracles, qui est toujours aux ordres de qui sait l’employer, qui trompe les hommes depuis qu’ils existent, ne laissant aucun doute après lui, ne révélant nulle supercherie, le véritable enchanteur, l’éternel magicien qui représente le passé, le présent, l’avenir, tel que le font nos espérances ou nos craintes, c’est le sommeil. Nul besoin n’est de trappes, de souterrains, de chimie, de physique, ni de médecine. Quand on dort, les idées ne sont plus gouvernées par la volonté. À l’exemple de quelques muscles et de quelques organes, elles ne dorment point, mais elles naissent souvent sans motif apparent, et se confondent sans que nous puissions les distinguer nettement ni les diriger. Elles dépendent souvent des excitations intérieures, souvent de celles du dehors. Endormis, nous ne savons interpréter ces excitations et les réduire à une juste mesure. L’esprit semble ne conserver que la faculté d’exagérer ses impressions et ses. sensations. Si l’on dort dans une situation gênante, on se croit attaché ; si les bras sont croisés sur la poitrine, on se sent retenu par d’autres personnes. Une lampe qui brûle, un bruit qui commence ou qui cesse, donnent