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prière. Je crois que l’on peut distinguer dans l’antiquité trois manières d’encourager la piété et la confiance. Les prêtres employaient, suivant les cas, d’abord la connaissance et l’usage des lois de la physique, ou ce que nous nommons, aujourd’hui la magie blanche, puis l’étude de l’atmosphère, de l’astronomie, de la médecine, enfin les narcotiques et le sommeil. Il faut ajouter que magiciens, augures ou thaumaturges, tout en se servant de tous ces artifices, étaient rarement incrédules ou athées. Par une inexplicable et vulgaire contradiction, ils croyaient les premiers à ces dieux dont ils travestissaient ou imaginaient les intentions et les prodiges. L’homme d’esprit qui a divisé le genre humain en dupes et en fripons n’était pas un observateur. Il y a peu de fripons qui ne se laissent prendre à des ruses qu’ils eussent inventées et ne soient avant tout leurs propres dupes. Ils ne se fient à leurs pièges que parce qu’ils y pourraient tomber eux-mêmes, tant la routine, l’imitation, la crédulité et la confiance sont naturelles à ceux même qui tentent avec succès de tromper les autres !

Nous connaissons très mal l’étendue des connaissances scientifiques des anciens, surtout dans les arts mécaniques. Ils ont laissé peu de livres de science, surtout peu de manuels élémentaires, très inutiles dans un pays où tout se transmettait par la tradition et la conversation. On n’écrivait guère que par goût littéraire, et jamais ou presque jamais pour instruire les autres, le nombre des lecteurs étant nécessairement très restreint. La science en outre était le partage d’hommes qui, l’employant à leur fortune et à leur considération, avaient intérêt à ne pas la répandre. La plupart des initiations et des mystères étaient des permissions de s’instruire et de connaître. Aussi pourrait-on assurer a priori que les prêtres étaient savans, quoiqu’on n’en ait pas toujours des preuves positives. Non-seulement les descriptions de beaucoup de prodiges offrent des rapports exacts avec les merveilles mécaniques, beaucoup d’apparitions avec le diorama ou la fantasmagorie, mais on a retrouvé dans les ruines de quelques temples célèbres les traces de planchers à roulettes, de contre-poids, de statues mouvantes, qui ont servi à convaincre, à rassurer ou à effrayer les fidèles. On sait que les prêtres se servaient beaucoup de l’art du ventriloque, des feux de Bengale, des images enflammées, des paroles de feu sur les murailles. Les savans véritables dédaignaient les applications, et Archimède n’a laissé nulle trace de ses découvertes en ce genre. Aussi les magiciens et les prêtres avaient-ils le champ libre et tournaient-ils tous leurs efforts à perfectionner la mécanique, que : Cassiodore définit ainsi : « la science de construire des machines merveilleuses dont les effets semblent renverser l’ordre entier de la nature. » Les escamoteurs modernes nous étonnent souvent, et dans l’antiquité l’éloignement,