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en 1846, on limita la quantité de fil et de toile que la Belgique aurait le droit d’importer. Une autre négociation entamée avec le cabinet de Turin avait été menée à fin en 1844. Il s’agissait surtout d’échanger nos vins contre les bestiaux de la Sardaigne, combinaison avantageuse, puisque les vins étaient surabondans et qu’on se plaignait de la rareté de la viande. Il s’y rattachait aussi un intérêt politique, l’espoir de ressaisir, au moins par une confraternité commerciale, une partie de l’influence que la France doit toujours avoir en Italie. Les négociations préliminaires avaient assigné à la convention une durée de six ans. Pressentant les dispositions de la majorité, M, Guizot fit part de ses appréhensions à Turin, et obtint que le délai d’expérience fût réduit à quatre ans. Les intérêts ligués au sein de la chambre n’en voulaient concéder que trois. M. Guizot eut beau exposer que la viande de boucherie avait subi un enchérissement qui s’élevait, suivant les régions, de 17 à 50 pour 100, les bœufs maigres du Piémont, admis avec une taxe de 49 francs au lieu de 55, apparaissaient toujours à la chambre sous forme d’une invasion de Cosaques, et M. Guizot n’évita un échec parlementaire qu’en faisant de l’adoption du traité une question de cabinet.

Le ministère eut bientôt à expier cette velléité d’indépendance. Après avoir demandé la facile introduction des graines oléagineuses comme moyen de renouveler leurs semences, les agriculteurs du nord s’aperçurent un jour que de nouvelles espèces tirées d’Égypte et du Sénégal menaçaient d’une redoutable concurrence les graines cultivées chez nous. Le sésame et le touloucana donnaient beaucoup plus abondamment une huile de meilleure qualité. Mais que faire ? Fallait-il, pour complaire aux électeurs ruraux, enlever à notre marine, déjà si faible, un aliment dont elle avait besoin, et imposer un sacrifice de plus aux consommateurs en forçant les savonneries de Marseille à se procurer l’huile dans les départemens voisins de la Belgique ? Les départemens du midi résistaient énergiquement ; mais les députés du nord et de l’est, habiles à grouper les intérêts, formaient dans les chambres les gros bataillons. Le ministère, suivant son usage, cherchait un milieu prudent entre les prétentions extrêmes. D’accord avec la commission, il avait admis en faveur de l’œillette et du colza une protection équivalant à 18 pour 100, et il croyait avoir beaucoup fait, d’autant plus que les graines africaines chassées de France étaient reçues au simple droit de balance par l’Angleterre, la Belgique et l’Allemagne. Les intérêts coalisés n’étaient pas satisfaits : ils exigeaient impérieusement l’adoption d’un amendement formulé par M. Darblay, c’est-à-dire une protection d’environ 35 pour 100. Le ministère, représenté à la tribune par M. Cunin-Gridaine, donne à entendre que l’amendement Darblay