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dans les haras, les écuries, le betting market (marché des paris) et les différens jockeys clubs. Quelques-uns de ces journaux s’occupent uniquement du monde du sport, d’autres, comme Bell’s Life in London, jettent en même temps un regard sommaire sur les affaires politiques du moment. Le Bell’s Life a les proportions et, dans son genre, l’autorité du Times. Il est curieux de voir, dans ce cas, l’espèce d’intérêt qu’il prend aux grands événemens qui agitent l’Angleterre et l’Europe. La moindre course de chevaux occupe dans ses colonnes plus de place que les débats de la chambre des communes. Après tout, ces proportions représentent exactement les idées de certains sportsmen sur l’importance relative des événemens du turf et des événemens de l’histoire contemporaine Que leur parlez-vous de l’entrée de Garibaldi à Naples ! Kettledram a gagné le Derby, voilà pour eux la grande victoire du jour. Lord Palmerston ou le comte Derby se retire du ministère ; qu’est-ce cela ? « M. Ten Broek se retire du turf à la suite de lourdes pertes d’argent, » à la bonne heure, voilà une nouvelle ! Quelques-uns de ces vétérans de l’ancienne école verraient avec moins de peine décroître la prospérité des fabriques ou des colonies anglaises qu’ils ne verraient tomber en d’autres mains la couronne du turf. Pour éviter cette calamité nationale, ils sont prêts à tous les sacrifices. Je ne parle point, bien entendu, de certains lords intelligens qui mènent de front les affaires de sport et les affaires de l’état ; je n’ai en vue qu’une exception, mais bien réelle et bien tenace dans ses goûts. Après le nombre, un autre fait, non moins remarquable, est l’énorme publicité dont jouissent en Angleterre certains journaux entièrement dévoués à la spécialité qui nous occupe. J’ignore s’il existe en France un journal de courses ; mais dans tous les cas je parierais bien que ce journal compte peu d’abonnés. Eh bien ! en Angleterre, le Sporting Life, dirigé avec beaucoup de talent par M. Dorling, fils du propriétaire du Grand-Stand à Epsom, se tire en moyenne à soixante mille numéros. Outre les journaux, il se publie des magazines et toute une littérature de sport. À cette littérature, qui se recommande par des ouvrages remarquables, dois-je rattacher une branche inférieure, mais vivace et toujours verdoyante ? Je veux parler des chansons que les ménestrels colportent dans les courses, surtout dans les courses du nord de l’Angleterre, et qu’ils hurlent en s’accompagnant d’un instrument de musique. Ces chansons, comme on peut s’y attendre, sont rudes et grossières. Au point de vue de l’art, elles n’ont guère de valeur ; mais elles conservent le souvenir de plusieurs événemens du turf et ne sont point étrangères à l’histoire des mœurs. Sous ces deux rapports, elles ont offert assez de valeur à un Anglais pour qu’il se donnât la peine de les recueillir. Ceux qui