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LE DRAC.


Scène III

FRANCINE, LE DRAC, à écart
FRANCINE

Ah ! la maudite chèvre ! M’a-t-elle fait courir ! C’est ce méchant drac qui l’aura détachée et rendue folle ! Où a-t-il passé, lui ? S’il pouvait ne jamais revenir ! Mais Nicolas, le vrai Nicolas, il serait donc mort, ce pauv’ petit ?

LE DRAC

Non, mam’selle Francine ! j’ suis pas du tout mort ! À cause que vous dites ça ?

FRANCINE

Ah ! c’est toi ? le vrai Nicolas ?

LE DRAC

L’ vrai Nicolas, vot’ serviteur ! Y en a donc un autre à c’t’ heure ?

FRANCINE

Pourquoi est-ce que tu m’as dit tantôt…

LE DRAC

Moi ? J’ai dit… Ah ! dame, ça se peut. Faut m’ excuser, Francine. J’ai quelquefois des idées dans la tête, que je n’y comprends rien moi-même.

FRANCINE

C’est donc ça ! Pourtant tu disais des choses…

LE DRAC

Quelles choses donc ? Je ne m’en souviens pas, moi !

FRANCINE

Ça se peut, et il se peut aussi que tu sois pas bien bon chrétien. À part. S’il n’est pas le diable, il s’est toujours un peu donné à lui, et je m’en méfie. Haut. Allons, tu as soupe ? Ya te coucher.

LE DRAC

Toujours dans l’étable aux chèvres ?

FRANCINE

Dame ! nous n’avons pas d’autre logement pour toi, et, puisque tu t’en es contenté…

LE DRAC

Il fait bien triste, bien noir et bien froid dans l’étable, Francine ! Laisse -moi un peu veiller là, près de toi !

FRANCINE

Non, non, il faut dormir. C’est l’heure pour toi ! Va-t’en, et tâche de ne plus faire peur à mes bêtes ! Elle le met dehors.