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découvertes dont les occupans prennent un intérêt dans les chaudes transactions de la prochaine course. Sur une de ces voitures se distinguait une femme aux proportions masculines, aux cheveux coupés courts et à, la tête couverte d’un chapeau rond. Cette amazone est bien connue à Newmarket, où elle ne manque aucun meeting et où elle parie sur les chevaux avec la hardiesse d’un turfite consommé. Trois petites maisons s’élèvent sur la bruyère plate, qui n’est bornée à l’horizon que par un massif d’arbres, et qui ressemble au champ de bataille de Waterloo. L’une est le bureau du télégraphe, qui transmet à Londres d’heure en heure les résultats du turf, l’autre le weidhing house, où l’on pèse les jockeys ; la dernière, située tout à l’extrémité du champ, c’est le saddling house, où l’on selle les chevaux pour la course. Je laissai mon compagnon, le rédacteur du Sporting life, dans son cabinet de travail, — une cabane de berger qu’il avait fait transporter sur la limite du champ, — et je me dirigeai vers la chaire du juge devant laquelle s’élevait sur un fond noir le winning post. Les courses se distinguent elles-mêmes par un certain caractère de simplicité. La police du turf se trouve représentée par le clerc des courses (course-clerk), gros homme de bonne mine, à la figure rouge, habillé de rouge et monté sur un cheval robuste. Il est assisté dans ses fonctions par les éclaireurs des courses, qui portent écrit sur leurs chapeaux course clearers, et qui sont armés d’un fouet dont les claquemens servent à écarter sans façon les importuns. Autour du champ clos, je pus voir à loisir les gentilshommes du turf, tous à cheval, et un grand nombre de jockeys montés sur de courts poneys. Les courses de Newmarket ont encore cela de particulier qu’elles changent plusieurs fois de terrain dans la journée, et la chaire du juge, au lieu d’être, comme ailleurs, un monument fixe, est une guérite mouvante qui se déplace avec le lieu de la scène. Dans ces conditions, tout se passe avec la froideur d’une expérience scientifique ou d’une opération commerciale. La vaste bruyère était bien tachetée çà et là de quelques riches équipages, parmi lesquels se remarquait celui de lady Stamford ; mais les femmes elles-mêmes étaient venues pour voir et non pour être vues, car les voitures étaient fermées. Je profitai de l’intervalle de deux courses pour aller visiter le Devil’s dyke (fossé du diable). Qu’est-ce que le Devil’s dyke ? C’est une excavation qui s’étend presque en ligne droite sur une longueur de sept milles, qui dans certains endroits a plus de cent pieds de largeur, et dont les bords sont relevés par des ouvrages de terre semblables aux remblais d’un chemin de fer. Ce fossé borne le terrain des courses, quoique de l’autre côté la plaine ou la bruyère recommence. On dirait un canal où l’eau est remplacée par l’herbe, qui