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plongée sous les eaux : mais la mer fut moins profonde, car les dépôts qui s’y formèrent sont composés d’élémens variables et grossiers : ils renferment une grande abondance de coquilles, on y voit même des bancs d’huîtres et de peignes. Plusieurs des mollusques qui vécurent alors sont semblables à ceux qui existent maintenant. Il n’y a pas lieu de s’en étonner, car la dernière période tertiaire a précédé immédiatement les temps actuels : plus une époque géologique est voisine de la nôtre, plus ses animaux et ses plantes se rapprochent de ceux qui vivent aujourd’hui. À la fin de la dernière période tertiaire, un faible soulèvement donna, à peu de chose près, à l’île sa configuration définitive.

Chypre est entourée d’un cordon de roches calcaires ou sablonneuses qui bordent presque partout ses rivages sur une largeur d’un quart de lieue environ. Comme ces roches renferment toutes les mêmes coquilles que nos mers, on ne peut douter qu’elles appartiennent à la période actuelle. Les voyageurs ont signalé un cordon semblable à celui de Chypre sur la plupart des rivages de la Méditerranée ; je l’ai moi-même observé en Italie, en Sicile, à Malte, à Rhodes, en Syrie et en Égypte. Ce cordon littoral prouve un changement de niveau soit dans l’eau de la Méditerranée, soit dans ses rivages. Diodore de Sicile et Strabon, qui avaient très bien reconnu des débris fossiles de coquilles marines dans l’intérieur des terres, en avaient conclu que la mer avait diminué d’étendue ; autrefois, selon Diodore et Strabon, la Méditerranée était une mer intérieure, elle a peu à peu été remplie par les fleuves, et elle a fini par rompre l’isthme des colonnes d’Hercule ; s’étant ainsi creusé une ouverture, elle laissa à sec une partie des contrées qu’elle recouvrait. Dans les temps modernes, Risso et M. Bianconi ont reproduit l’opinion que les eaux de la Méditerranée avaient diminué. En effet, le cordon des calcaires littoraux est si continu qu’il est difficile de n’en pas attribuer la formation à un phénomène général tel que la diminution des eaux. Cependant à Chypre et dans plusieurs pays le cordon littoral forme sur quelques points de petites falaises, tandis que sur d’autres il est exactement au niveau des eaux ; en outre les couches en sont quelquefois inclinées vers l’intérieur des terres. On ne peut expliquer ces faits, si on n’admet aussi des dislocations locales.

L’histoire a enregistré des tremblemens de terre survenus en Chypre. Sénèque dit que Paphos fut souvent détruite par ces phénomènes. Eusèbe raconte que plusieurs fois, sous Auguste, l’île fut ébranlée. Suivant Paul Diacre, trois villes de Chypre s’écroulèrent au temps du règne de Vespasien. On lit dans Marianus Scotus que, sous Titus, une montagne de Chypre se rompit à son sommet et lança tant de feu qu’elle consuma les régions et les cités voisines avec leurs