Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 36.djvu/19

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
15
LE DRAC.

FRANCINE

Ce n’est rien, on entend ça tous les jours. Dis-moi,… mais je suis folle de vouloir que tu m’expliques un rêve !

LE DRAC

C’est un navire qui rentre au port.

FRANCINE

Quel navire ? Mon Dieu ! le Cyclope peut-être ! Tu l’as vu en mer aujourd’hui, tu l’as reconnu ?

LE DRAC

Qui sait ?

FRANCINE

Et Bernard ?

LE DRAC

Bernard ?

FRANCINE

Ah ! tu ne dors plus ? tu ne sais plus,… ou tu ne veux plus me dire… Bernard est mort peut-être ?

LE DRAC

Peut-être !

FRANCINE

Mais peut-être aussi qu’il est vivant, qu’il revient, qu’il est sur ce navire ? Ah ! comment savoir ?… D’ici on ne voit pas la rade. — Vas-y, toi ! Le drac secoue la tête et s’assied. Nicolas ! vas-y !

LE DRAC

Non.

FRANCINE

Je te donnerai tout ce que tu voudras. Tiens ! ma chaîne, ma croix d’or !

LE DRAC

Non, non.

FRANCINE

Tu ne veux pas, méchant garçon ? Eh bien ! je trouverai quelqu’un ; je saurai, je veux savoir… Oui,… par le chemin de la chapelle, c’est plus court. Elle sort par l’escalier.


Scène VI


LE DRAC

seul.

Qu’ai-je donc vu dans mon rêve ? Ah ! oui, j’ai vu Bernard ! Il revient, il est revenu ! Mais dois-je me fier à mes rêves à présent ? Ceux des hommes sont trompeurs… Que se passe-t-il en moi ? L’arrivée de ce Bernard me fait souffrir. Ce Bernard que j’aimais,… oui, je l’aimais, parce que Francine l’aime ! — Est-ce que je hais Francine depuis que je suis son égal ? — Que de choses je ne sais plus ! que de sentimens je ne puis plus comprendre ! — Oh ! oui,