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DE LUNATICO
SCENES DE LA VIE ANGLAISE[1]

The Tragedy of Life, by John H. Brenten, two vols. London, Smith Elder and C°, 1861.


I

— Non, mon ami, vingt fois non, me dit le docteur, sérieusement fâché. Vous êtes sous ma direction, et je réponds de vous, d’abord à ceux qui vous aiment, puis à ceux qui vous lisent… Vous êtes exténué de travail. La fièvre va vous prendre, et la fièvre mène loin les gens nerveux… Voudriez-vous, par hasard, devenir mon pensionnaire ?…

— Docteur ! m’écriai-je épouvanté, car j’avais affaire à un spécialiste dont la maison, dite de santé, n’était rien moins que le temple de la sagesse. Ces « pensionnaires, » au nombre desquels il me classait déjà, étaient tout simplement des aliénés, appartenant presque tous aux classes les plus élevées et aux familles les plus riches de la métropole.

— Ah ! reprit-il, vous voilà plus traitable. Je vais en profiter pour m’assurer de vous… Nous partons ce soir.

— Où allons-nous donc, je vous prie ?

— Eh ! que vous importe ?… En votre qualité de romancier, l’imprévu doit vous plaire. Je vous promets un ou deux sujets pour le moins. Chemin faisant d’ailleurs, vous me ferez bavarder tant qu’il vous plaira.

  1. De lunatico inquirendo,, — c’est la désignation légale de l’instance introduite pour faire prononcer l’interdiction civile des personnes dont la raison est aliénée. — Nous appliquons encore ici à une curieuse étude de mœurs le procédé de récit analytique qui est le plus propre à faire connaître certaines œuvres de la littérature anglaise.