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fortifie sa constitution. Le vainqueur d’Austerlitz, suivant sa promesse, avait arrangé à Vienne les affaires de la Banque. Il fit déposer dans les caisses, comme restitution ou à titre de comptes courans, une forte partie de la contribution de guerre infligée à l’Autriche. Les avances directes au trésor, qui s’étaient élevées jusqu’à 86 millions, furent réduites à 27 dès le mois du mai et entièrement remboursées en octobre. Les obligations des receveurs-généraux cessèrent d’encombrer le portefeuille. L’encaisse remonta rapidement à 55 millions. Malheureusement pour Napoléon, le seul enseignement qu’il tira de cette crise fut que la direction de la Banque, confiée jusqu’alors à des régens choisis par les actionnaires, était trop indépendante de l’état, et que le capital n’était pas assez considérable pour venir en aide au trésor. Il confia le gouvernement suprême à trois grands fonctionnaires nommés par lui, quoique payés par les actionnaires, et il exigea que le capital fût élevé de 45 millions à 90, non compris la réserve, condition contre laquelle les actionnaires ont protesté pendant vingt-cinq ans, parce qu’elle obligeait la Banque à conserver un capital trois fois plus fort qu’elle n’en pouvait employer utilement. Le commerce n’eut guère le temps de réfléchir sur la meilleure organisation du crédit. Il allait être jeté dans de bien autres aventures.

III. — le système continental.

Il serait injuste de rejeter entièrement sur Napoléon la responsabilité du blocus continental. C’était une manœuvre de guerre conforme aux principes et aux instincts de l’époque. L’empereur ne l’a employée qu’à titre de représailles, mais avec cet emportement qui le poussait du premier bond jusqu’aux extrémités. En 1806, le gouvernement britannique met en interdit les ports du continent depuis Brest jusqu’à l’embouchure de l’Elbe, et quoiqu’il n’ait pas de forces suffisantes pour investir tous les points abordables sur une aussi vaste étendue, il déclare que ses croisières intercepteront autant que possible les communications, et exerceront à l’égard du commerce les rigueurs qu’autorise un blocus effectif. À cette provocation sauvage, Napoléon répond par les ordonnances de Berlin et de Milan, qui instituent ce qu’on appelle le système continental. Tout commerce, toute correspondance avec les îles britanniques sont défendus ; tout magasin, toute propriété appartenant à un Anglais, toute marchandise provenant de fabrique anglaise, sont déclarés de bonne prise. Les lettres adressées à un Anglais ou écrites en langue anglaise sont supprimées par les postes. Dès qu’un bâtiment, de quelque nation qu’il soit, a touché le sol britannique ou s’est mis en