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LE DRAC.

voyais ces hommes rudes et incultes dont l’esprit conserve des poésies étranges, et J’écrivis sans crainte et sans scrupule une rêverie qui ne devait être soumise aucune critique officielle.

Une mise en scène gracieuse, un joli décor et quatre interprètes intelligens et confians ont donné un corps à cette fantaisie dépourvue de toute prétention à la couleur locale et à la forme dramatique. Vous êtes venu, et vous avez aimé cette manière de raconter et de figurer un rêve devant une réunion de famille, à peu près comme on le raconterait soi-même au coin du feu, si l´on savait raconter. J’ose donc la publier, et je la mets sous la sauvegarde de votre indulgence en vous la dédiant, non pas comme à l’auteur de ces fortes et savantes études dramatiques de la vie humaine qui parlent à la raison et à la logique autant qu’à l’esprit et au cœur, mais comme à un excellent ami dont le sens artiste admet et comprend sans pédantisme toutes les libertés de l’art.

George Sand.

Nohant, septembre 1861.



PERSONNAGES


LE DRAC. ANDRÉ. BERNARD. FRANCINE, fille d’André.


(La scène se passe dans la maison d’André, qui est pêcheur à la côte. La maison est élevée sur une falaise. Une grande porte ouverte sur des rochers à pic ; au fond, la mer et des rives escarpées. Fenêtre et cheminée à droite ; à gauche, la porte de la chambre de Francine et un escalier intérieur qui mène à la montagne. Il fait encore jour. Il y a une image de la Vierge. Des filets, un miroir, divers engins de pêche et des armes sont suspendus à la muraille.)




ACTE PREMIER.


Scène PREMIÈRE.

ANDRÉ, FRANCINE.

André regarde par la fenêtre avec une lunette d’approche. Francine épluche des noisettes qu’elle tire d’un petit panier et place sur une assiette.

FRANCINE.

Penchez-vous donc pas tant que ça à la fenêtre, mon père ! Si vous tombiez !

ANDRÉ.

Ah ! dame ! si je tombais, j’irais tout droit à cinq cents pieds dans la mer !