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libéral se serait montré, dès même les discussions du congrès, l’adversaire des libertés constitutionnelles. Un autre orateur très distingué de la droite, M. Dechamps, a repris le même point de vue et l’a développé sous une forme plus littéraire. Suivant lui, le parti libéral serait bien plutôt le parti de l’état, défendant toujours le monopole de l’état contre le monopole de la liberté individuelle. « Vous vous donnez pour le parti libéral, s’est-il écrié, vous qui ne voulez pas de la liberté qui profite à vos adversaires ! Non, vous n’êtes pas le parti libéral, vous êtes le parti doctrinaire ! » Le rapporteur de l’adresse, M. Orts, a répondu à M. Dechamps ; mais c’est M. Frère-Orban qui a répliqué à M. de Theux. Le ministre des finances a parlé avec son éloquence ordinaire, avec une grande force d’argumentation et une profonde connaissance de l’histoire des partis en Belgique depuis la révolution. De telles discussions, d’où il ressort qu’en définitive la liberté est entrée dans les mœurs d’un peuple et que chaque parti en est également épris, ne font pas peu d’honneur à la Belgique. La Hollande, qui a recommencé, elle aussi, la vie parlementaire, a eu des agitations dans son cabinet et dans ses chambres, mais ne nous offre pas des débats aussi brillans et d’une portée aussi générale que ceux du parlement belge. C’est en Hollande le budget qui, affecté d’un déficit de 5 ou 6 millions de florins, a provoqué une opposition très violente. Le ministre des affaires étrangères, le baron van Zuylen, qui a quitté son portefeuille par suite de mésintelligences avec son collègue des colonies, M. Loudon, n’a été remplacé que provisoirement. La Hollande a d’assez bonnes nouvelles de ses colonies orientales ; elle a obtenu dans le Banjermassin, au sud de Bornéo, la soumission d’un chef d’insurgés. Le gouvernement a proposé un nouveau projet d’émancipation des esclaves de Surinam.

Les récentes élections prussiennes sont un des symptômes actuels de la politique continentale. Ces élections donnent une majorité considérable au parti libéral, qui se décompose en deux sections, les libéraux ministériels et les libéraux plus avancés. Les premiers auront 150 voix dans la chambre populaire, et les seconds 120 ; le reste, c’est-à-dire une très faible minorité, appartient au parti rétrograde. Faut-il voir dans cette victoire du libéralisme une réaction du pays contre les tendances féodales que le roi aurait montrées depuis son couronnement ? La session prussienne, après un tel mouvement électoral, présentera sans doute un vif intérêt. Dans l’Allemagne méridionale, les adversaires des prétentions de la Prusse s’applaudissent du succès que les démocrates ont obtenu dans les élections ; ils préfèrent la franchise des démocrates à la politique du parti de Gotha. Ils citent d’ailleurs avec éloges un discours de l’un des chefs du parti libéral avancé, M. Waldeck, qui a déclaré que c’est par le développement de ses institutions, par l’exemple de libéralisme qu’elle donnera aux autres états, et non par des conquêtes, que la Prusse doit travailler à mériter l’hégémonie.

Nous ne pouvons terminer ces pages sans exprimer l’indignation qu’inspirent à tous les hommes de cœur les violentes mesures que les agens du