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des témoignages d’amitié ? Nous pensons pour notre part que, si elle était forcée d’en venir aux mains avec les États-Unis, elle se soucierait médiocrement de notre concours, qui embarrasserait son action, au lieu de la rendre plus efficace. Quant aux témoignages d’amitié venant de journaux qui lui ont plus d’une fois lancé l’injure avec un remarquable accord, ils ne sont guère faits pour toucher les Anglais, qui ont le bon sens et le bon goût de ne faire cas des manifestations d’opinion que lorsqu’elles se produisent dans une presse libre. Si nos anti-Américains n’ont fait que céder à ce penchant ridicule qui porte certaines personnes à vouloir que la France se mêle à tout ce qui se passe dans le monde, il nous semble que les réformes financières qui nous ont été récemment annoncées auraient dû nous guérir de cette inquiète maladie.

La première vertu de ces réformes doit être en effet d’engager la France à se replier sur elle-même et à moins songer aux aventures qui pourraient au dehors la solliciter. L’examen de conscience financier que nous avons à faire, la confession publique qui le suivra, la recherche, l’examen, la discussion des ressources que nous aurons à nous procurer, et pour éteindre les découverts du passé et pour subvenir aux dépenses du présent et de l’avenir, voilà des occupations intérieures très graves, très nombreuses, très intéressantes, qui nous devraient détourner d’aller chercher des distractions à l’extérieur. Les finances d’ailleurs sont un appareil sensible auquel viennent aboutir toutes les parties de la politique, et il ne sera pas possible d’entamer un véritable débat financier, dans le cadre nouveau où sera établi le prochain budget, sans que toutes les questions politiques importantes qui naissent de notre situation soient agitées et ventilées. Nous voyons avec plaisir que le gouvernement paraît comprendre cette unité naturelle des diverses parties de la politique venant converger aux finances. Le Moniteur a publié hier un décret remarquable, conçu évidemment dans ce courant d’idées. Il importe essentiellement à l’ordre des finances, tel est le considérant de ce décret, que les charges des budgets ne puissent être augmentées sans que le ministre des finances ait été mis en mesure d’apprécier et de faire connaître au chef de l’état s’il existe des ressources suffisantes pour y pourvoir. En conséquence, à l’avenir aucun décret autorisant ou ordonnant des travaux ou des mesures quelconques pouvant avoir pour effet d’ajouter aux charges budgétaires ne sera soumis à la signature impériale, s’il n’est accompagné de l’avis du ministre des finances. Cette mesure est importante à plusieurs égards, et il nous semble que la presse et le public n’en ont point encore aperçu suffisamment la signification. Bien de plus logique et de plus naturel que de rapporter au ministre des finances dépositaire ou créateur des ressources toutes les mesures qui entraînent des dépenses, car ce ministre seul peut juger si le gouvernement est en état de satisfaire aux engagemens qu’il contracte. Jusqu’à présent, voici comment les choses se passaient dans la pratique. Chaque ministre, dans son travail particulier avec l’empereur, obtenait la signature des décrets qui concernaient