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LE
LIBERALISME CATHOLIQUE
ET M. DE MONTALEMBERT

Oeuvres de M. le comte de Montalembert, 1861.

Dans les mêlées de notre siècle, le spectacle le plus curieux n’est peut-être point celui des événemens au cours mobile et tourbillonnant ; c’est plutôt le spectacle de ce que deviennent les idées et les hommes eux-mêmes, personnifications de ces idées, de ce que deviennent les âmes et les caractères dans leurs métamorphoses, dans leurs luttes avec cette réalité qui les presse, qu’ils dominent ou qu’ils subissent. C’est l’élément passionné et vivant des affaires humaines. À toute époque, il y a eu des hommes qui ont imprimé le sceau d’une éclatante personnalité aux mouvemens généraux dont ils ont été les instrumens ou les guides. Notre temps plus que tout autre a vu surgir une nature d’hommes exerçant un nouveau genre d’action au nom de l’intelligence souveraine, gouvernant par la parole, organisant des partis pour les mener au combat et possédés de l’ambition élevée d’avoir toujours raison devant l’opinion du monde. La politique est devenue ainsi une arène ouverte à l’esprit et à l’éloquence, où toutes les idées et tous les systèmes se sont vus en face, où la discussion a été le premier moyen d’action, comme elle a été le vigoureux stimulant de tous les talens, et où les hommes eux-mêmes ont contracté au feu de ces luttes un caractère particulier, une originalité indélébile qui a été le signe commun de toute une génération singulièrement.