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de l’équilibre européen, la confédération austro-magyare et austro-slave. Sans entrer prématurément dans l’examen d’une question qui a encore plus d’une phase à traverser, nous nous bornerons à dire que le premier devoir comme le premier intérêt de l’Autriche en présence des événemens qu’un avenir prochain nous prépare, c’est l’expansion et non la compression, — en d’autres termes le développement de toutes ses forces, l’emploi de toutes les ressources qu’elle a laissées si longtemps et si misérablement dépérir. Le livre même qui a servi de texte à cette étude nous fournit ici un exemple assez remarquable. Dans un des districts de ce Banat, où tant d’abus étouffent la sève du peuple, l’industrie a pénétré un jour, non pas l’industrie aux mains des bureaucrates, mais l’industrie libre et libérale, celle qui met en jeu l’action de l’individu, et aussitôt, sous cette féconde influence, on a vu pour ainsi dire s’élancer une nation nouvelle. Que ce soit là un symbole ! Il ne s’agit pas seulement de l’industrie comme on la pratique ai noblement à Orsova ; nous parlons de tout ce qui peut favoriser l’essor des facultés humaines. Donnez carrière au travail, faites que l’individu se sente vivre, que chaque énergie se déploie, que tout germe puisse grandir au soleil ; enfin créez des hommes, ou du moins ne les empêchez pas de naître : dans les crises de l’Europe orientale, ces hommes-là pourront être quelque jour un de vos meilleurs appuis, et s’ils vous manquaient à l’heure décisive, vous sentiriez trop tard l’étendue de votre faute. Il y a longtemps qu’on l’a dit, la mission de l’Autriche est de porter dans les contrées de l’Orient la civilisation européenne. Si le gouvernement autrichien, toujours acharné contre Venise, se refusait à comprendre la grandeur de son rôle en Orient, quels signes faudrait-il donc pour lui ouvrir les yeux ?

À l’extrémité occidentale de ses états, l’empereur François-Joseph voit une généreuse nation qui se relève ; à l’autre extrémité, c’est un empire qui tombe. S’il faisait la guerre en Italie et que cette guerre fût heureuse, ses victoires le rendraient odieux à tout ce qui est libéral en Europe ; du côté de la Turquie au contraire, il aurait à faire des conquêtes morales qui serviraient la cause de la civilisation elle-même. Mais pourquoi de semblables hypothèses ? La force des choses veut que la Vénétie soit rendue un jour à l’Italie régénérée ; les grandes, les fécondes victoires de l’Autriche, ce seront les conquêtes pacifiques par lesquelles pourra être préparé le triomphe de la civilisation sur la barbarie, et de la libérale religion du Christ sur le fatalisme inerte des enfans de Mahomet. La visite de M. de Berg au pacha de Takely apparaît encore ici comme un fait caractéristique, L’Autriche a sous les yeux le spectacle de cette longue agonie de l’empire turc, elle voit mieux que nous le contraste de